mardi 11 février 2020

Brouillard

Bienvenue à Grosvenore-Mine, ses joies, ses pochetrons et ses kidnappeurs d’enfants. Voilà la pancarte que j’aurais dû lire avant d’entrer dans ce bled aux confins du bush australien. Mon Nissan 4x4 chargé de poussière, la traversée du désert, une cassette à bande magnétique de Nick Cave dans l’autoradio crachote ses sombres mélopées. La poussière se soulève de l’asphalte brûlant, ma gorge brûlée par l’incandescence du soleil, une allumette craque et mon corps s’enflamme aussitôt, combustion spontanée d’une vie dans le brouillard.

« A mon deuxième réveil, il faisait jour, mais j’étais dans le brouillard.
Le vrai, je veux dire.
Pas celui dans ma tête, un vrai brouillard de belle et authentique vapeur d’eau qui enveloppait les vitres du Nissan de sa grisaille ouatée.
Ça arrive, dans le bush.
Un déluge s’abat au milieu de la nuit. La roche, qui n’est jamais très loin sous le sable, empêche l’écoulement de l’eau. Le matin, un quart d’heure après s’être levé, le soleil commence à souffler sur cette partie du monde son haleine de dragon furax. Le sol imbibé de flotte se met à fumer et bientôt on n’y voit plus à un mètre. »


Mc Murphy est donc en ballade en terre australe. Il crapahute le bush avec sa fille Louise. Une soif, une envie de burger, stop au prochain bouge où les gueules cassées semblent fricoter avec la consanguinité. La poussière jusque dans les yeux et les pans de la chemise ouverte, la sueur ocre, le temps de s’asperger quelques brins d’eau dans les toilettes derrière le « dinner ». A son retour, plus de Louise, évaporée comme ce brouillard tenace qui enveloppe par intermittence mon esprit. Et une chose est sûre que les habitants de ce bled vont apprendre à propos de Mc Murphy : on ne s’en prend pas à la famille d’un vétéran du Viêt-Nam impunément. Ça va saigner, dommages collatéraux inévitables, il va y avoir des morts dans cette histoire.

J’ai soif. J’ai envie de revoir Vol au-dessus d’un nid de coucou. Enlevez-moi cette camisole blanche. Détachez-moi. Libérez, délivrez. Ma fille. Je divague. Brouillard.


« Et puis ça n’eut plus d’importance parce que j’étais dans un noir aussi profond que silencieux, un abîme compact comme la mort au fond duquel ne survivait plus aucune pensée ni aucune sensation. »

« La Machine à Brouillard », Tito Desforges.

Avec un grand merci et un verre à Joël pour le Delirium des éditions Taurnada.

L'avis d'une grenouille, parce que même en plein bush, il est question de crapaud...




14 commentaires:

  1. Salut, le Bison
    Ta chronique donne envie d aller voir de plus près ce brouillard australien...bien que la photo de couverture n évoque pas vraiment le bush...

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  2. Vol au-dessus d’un nid de coucou, l'un de mes films cultes.
    J'aime la "folie", parce qu'après tout c'est quoi la folie, ça commence où, ça s'arrête où, y'a d'quoi perdre la tête rien que d'y réfléchir...
    J'connais pas Joël mais il a d'la classe, c'est sûr :D
    Parce que même en plein bush, il est question de crapaud et d'bison qui lisent dans le brouillard
    Crisse, c'est pas rien...

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    1. les crapauds sont partout, mais dans le trou du cul du bush... Encore une histoire de trou me diras-tu... C'est ça la folie, repérer des crapauds dans le brouillard australien.

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  3. Ça me rappelle un autre bouquin, assez délirant, qui se passe dans le bush. J'ai oublié son titre.
    Commentaire SANS intérêt.

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  4. J'ai retrouvé le titre : Cul de sac. C'était formidable.

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  5. Très drôle et inquiétant dans mon souvenir. A lire.

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    1. J'en ai plusieurs de l'auteur, mais je n'ai pas encore trouvé le temps de les lire. Notamment "l'homme qui voulait vivre sa vie" que j'ai acheté après avoir vu l'excellent film avec Romain Duris...

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