L’année dernière, je me suis embarqué pour le Honduras. J’ai été tellement pris par ce voyage, empêtré dans la poussière et la chaleur de ce pays, que je n’avais pas encore pris le temps de noter mes mémoires. Et pourtant… J’y ai rencontré du beau monde à Tegucigalpa, en particulier Erasmo Mira Brossa, célèbre avocat et président du Parti national hondurien et de son épouse doña Lena Mira Brossa, bourgeoise hautaine. D’ailleurs, c’est jour de fête à Tegucigalpa : ils marient leur fille Teti avec Clemente. Aux dires de doña Lena, il est bien trop âgé pour elle – vingt-cinq ans de plus - mais pire que tout il est communiste et encore plus pire que tout il est salvadorien. Alors Mira qui n’ira pas à ce mariage enferme le pauvre Erasmo dans la salle de bain pour l’empêcher d’aller également au mariage de sa propre fille. S’ensuivent alors des dialogues truculents, des situations grotesques pour ne pas dire absurdes par porte interposée. Sublime à épanouir les sourires du lecteur devant son verre de bière ou de la lectrice dans son maillot brésilien.
« Il y a plus de chances que l'homme marche sur la Lune que les Salvadoriens sur les trottoirs du Honduras », comme s'il y avait un rapport quelconque entre le grand voyage de l'espace de Neil Armstrong et cette guerre stupide.
Moi, chaque fois que je peux, je préfère regarder les informations sur l'alunissage plutôt que celles qui empoisonnent la vie avec cette maudite guerre, mais les journaux ressemblent à des chiens enragés, ils ne parlent que de combats, d'incursions, de prises de villes et de biens qui me mettent les nerfs en boule, comme si les pas de l'homme sur la lune n'étaient pas plus importants qu'une guerre entre deux pays frères.
Quelques années après, Teti vit au Salvador et entretient une correspondance cachée avec son père Erasmo, lui demandant surtout de maintenir sa femme à bonne distance téléphonique, elle qui la harcèle tout au long de la journée, ennui de la bourgeoisie oisive, et qui risque de lui poser quelques désagréments dans son nouveau pays d’adoption. Quelle trahison, traîtresse de fille qui part à l’ennemi car à cette petite histoire se mêle l’Histoire, celle d’une guerre entre le Salvador et le Honduras, et si j’ai peur pour Tetri et si j’ai pitié pour doña Lena, le pauvre Erasmo se retrouve perdu entre ses hautes fonctions politiques et le déchirement du noyau familial.
… au début, je croyais que tout n’était que propagande des journaux, mais Clemen est tombé sur un autocollant distribué à Tegucigalpa qui dit : « Hondurien, prends un rondin et tue un Salvadorien ! »
Effondrement est le second roman de Horacio que je lis. Une merveille, une pépite, de la littérature sud-américaine avec ses classes, ses trahisons, ses amours et ses guerres et surtout une poussière à toutes les pages qui vous donne terriblement soif. Un grand moment, qui oscille entre le cynisme et la jubilation, je me ressers un verre, truculence du houblon, faut bien se remettre de telles émotions, et puis après tout le mariage c’est un jour de fête, sauf chez les Mira Brossa ! Merci.
« Effondrement », Horacio Castellos Moya.
Traduction : André Gabastou.
En Amérique Latine avec Inngannmic et Goran
Et tu sais ce qui t’a détruite, Lena : ta sottise. Tu refuses d’accepter la vie. Le manque d’amour a rongé ton âme. Voilà pourquoi tu détestes tout le monde, pourquoi tu te disputes avec tout le monde. Dieu nous a donné le sexe pour nous aimer, pas pour en faire un enfer, contrairement à toi…
L'autocollant "Hondurien, prends un rondin et tue un Salvadorien!" me plait vraiment beaucoup. Tu peux m'en faire envoyer pour ma vieille peugeot? Ta pépite me tente bien, le houblon aussi et Devendra Banhart c'est pas mal non plus. "Pom porom pom porom pom pom...". Hasta luego.
RépondreSupprimerTraverser la pampa avec cet autocollant et une Peugeot increvable, le summum du Sud de l'Amérique...
SupprimerTu as été bien plus emballé que moi, je le regretterai presque, tant ton enthousiasme fait plaisir à lire ! Merci pour ta participation.
RépondreSupprimerOui, j'ai adoré la première partie. La seconde aussi avec les correspondances entre père et fille qui apportent beaucoup d'éléments sur la compréhension de ces deux pays voisins. Un tout petit bémol, sur la troisième partie dont je ne me souviens plus...
SupprimerQue d'enthousiasme :)
RépondreSupprimeroui un vrai grand enthousiasme pour ce roman...
SupprimerTu chatouilles ma curiosité avec cet auteur Hondurien!
RépondreSupprimerAh qu'il me le faut découvrir un de ces jours <3
Le Honduras et le El Savador c'est un peu comme un mariage à Guantanamo plutôt qu'à Tegucigalpa quoi que... ce n'est pas toujours du joli à Tegucigalpa non plus, avec une partie des convives qui célèbrent dans les toilettes. Tabarnakos...
On se prend un p'tit verre de Pirate's Grog?
si je chatouille déjà ton esprit... que dire de cet hondurien, alors... qui te chatouilleras bien plus...
SupprimerDes notes d’abricots sec, de poire et de chocolat. En bouche, de la vanille, cannelle et café avec une finale orientée sur la noisette... ce rhum hondurien chatouillerait bien ma curiosité...