« Bach s'attabla devant une chope de bière et une omelette au lard. »
Une Paulaner à écouter en buvant une sonate, une fugue de Jean-Sébastien à la mousse particulière. Je ferme les yeux et je l’écoute. Une onde sensuelle qui flotte comme un parfum enivrant, mélange de houblon et de jasmin. J’ai envie d’une bonne choucroute quand je perçois Bach poindre ses mélodies. Je fais genre je m’y connais, mais pourtant, je m’y connais pas du tout. C’est juste pour emballer les grosses teutonnes aux avantages gracieux à l’Oktoberfest. J’avais faim, j’avais soif, je suis rentré dans cette taverne qui sentait le graillon. Le genre de lieu bruyant où la ripaille s’entasse sur les tables et où la bière coule à flot des tonneaux. Le tavernier, d’ailleurs, parlons-en, Jean Salmona, à la fois musicologue et gastronome. Moi j’aime bien la musique, j’aime bien ripailler, j’aime beaucoup les ondes sensuelles, surtout celles d’Eva, élève particulière du grand Johann Sebastian Bach. Et j’aime aussi bien boire. Du coup, il m’est offert, c’est la tournée du patron, des choppes de bière, des bouteilles de Riesling et même de Bourgogne, un beau côtes-de-nuit et une longue chevauchée de Jean-Sébastien à la poursuite de sa walkyrie.
Je m’installe donc, à table et ripaille, et lis… Une longue liste exhaustive de plats, des mets qui s’enchainent, pour apprendre à Eva le plaisir de la chair. Bien manger, bien boire, pour comprendre la musique, comprendre Dieu. Mais pour cela il faut une bonne sauce, tout est dans la sauce, c’est elle qui lie les sensations, qui les relie et les bonifie. Mais voilà, la serveuse, malgré la flamboyance de ses charmes, a renversé la sauce dans la poussière de la taverne, ne m’en laissant qu’un fonds à mon plus grand regret. Et sans sauce, pas de liant, pas d’histoire. Heureusement qu’il me reste la bière, sa mousse. Et la musique de Jean Sébastien avec ses interprètes, Kathia Buniatishvili et Hélène Grimaud. Et l’envie d’ouvrir Riesling et Côtes-de-Nuit… Quand à la fugue de Bach…
« Le repas fut servi dans des assiettes de faïence au décor de chasse. Il y eut des perdreaux rôtis et désossés dont le jus, réduit, avait été relevé d’un trait de verjus et de quelques épices, parmi lesquelles Bach apprit à Eva à distinguer poivre gris et coriandre. Ils avaient commencé par un bouillon fait à partir des os concassés des perdreaux et de quelques brins de cerfeuil, dans lequel avaient été pochés des knödel confectionnés avec de la mie de pain, des œufs et de la moelle de bœuf. Au milieu du repas, Bach alla chercher le stradivarius et montra à Eva comment le verjus s’accommodait des notes aiguës du violon et la chair du perdreau des notes jouées sur la première corde.
Puis il lui demanda de trouver un complément musical d’une bouchée de perdreau enrobée de jus, immédiatement suivie d’une gorgée du vin de Bourgogne – un côtes de nuits – ouvert par Marcello. Eva réfléchit et proposa un accord renversé de ré majeur arpégé sur les quatre cordes. »
« Une Fugue de Bach », Jean Salmona.
« Mais nous ne pouvons dissocier notre âme de notre corps, la musique nous le démontre comme une évidence : elle est sublime et immatérielle, mais elle ne peut exister que par nos mains, nos doigts, notre bouche, notre souffle. Quand tu joues du clavecin, ton doigt infiniment sensible, caresse l’ivoire ou l’ébène tiède de la touche et, au moment où la touche s’enfonce et soudain cède sous la pression, la corde, excitée par la plume, émet ce cri qui est en même temps un appel à Dieu et un hymne de gratitude envers Lui. Le musicien qui reste extérieur à cela n’est qu’un automate, semblable à un bûcheron qui, en maniant la hache, ne ressentirait pas dans ses muscles la fibre qui s’ouvre et ne percevrait pas le parfum qu’elle recélait et qu’elle libère à cet instant pour lui seul. Et ceux qui t’écoutent, s’ils ne sont pas des brutes, doivent éprouver cette jouissance physique que tu suscites chez eux au moment où tu la ressens toi-même, et qui les fait frissonner, soupirer, et même dans les moments de grâce, verser des larmes, en même temps qu’ils sont transportées hors d’eux-mêmes, vers un espace intemporel, plus proches de Dieu qu’ils ne le seront jamais, même pendant la prière. De tous les arts, seule la musique, qui remplit tout l’espace sonore au moment où on l’écoute, permet ce miracle. »
Sur une ripaille de masse critique,
un verre de Paulaner, une fugue de Bach,
Merci donc à Babelio et aux éditions wildproject.
J'aime tout, la Paulaner, le riesling et le côtes-de-nuits; les tavernes, le piano de Katia et ce JSB qui me semble avoir de l'avenir. Prosit.
RépondreSupprimerDis comme ça, ça fait envie... envie de boire un verre et de garder le silence, ce regard plongé sur son verre ou ses mains...
SupprimerUne Paulaner et je me retrouve en terrasse à Grenoble...
RépondreSupprimerEn terrasse ?!!? T'es fou !!!!! C'est fini ce temps-là... Même dans les souvenirs, c'est inimaginable, genre, tu as rêvé, mec....
SupprimerKathia et Hélène, deux belles au doigté de rêve.
RépondreSupprimerD'ailleurs, en écoutant les notes de Katia se poser sur les touches, mes majeurs se sont émoustillés.
Le piano, la musique des sens.
Grande dame de la musique :-*
moi, j'ai les majeurs TOUJOURS émoustillés, quelle que soit la musique :-)
SupprimerKatia... personne ne la regarde dans les yeux, et sûrement pas toi ^^
RépondreSupprimerAprès, tu joues les mélomanes en parlant de "majeurs", mais ce qui touche le plus en musique c'est le mineur (gamme), c'est bien connu !! 😈
C'est bien connu, je ne regarde pas dans les yeux et j'ai toujours dit que je n'étais ni mélomane ni musicien, juste un type poussiéreux qui écoutait de la musique, lisait quelques bouquins plus ou moins bons...
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