jeudi 7 juillet 2022

Si Loin de l'Overlook Hôtel


« Le jeune barman australien m'a dit aujourd'hui : "C'est pas du tout comme ça que j'imaginais mourir dans une guerre nucléaire, mais au moins, y a un bar à volonté." »

Me voilà donc, accoudé au bar de l’hôtel. Seul ou presque. Le barman, bien sûr, en guise de compagnie, toujours prêt à me servir un cocktail ou un verre de bourbon sans glace. Une musique douce sort de la salle d’à-côté, il y a un type au comptoir, les cheveux dégarnis en vrac, des yeux de fou, un sourire inquiétant. Jack qu’il s’appelle, avec un verre de Jack Daniel’s dans lequel deux glaçons tintent. C’est glaçant cette ambiance… C’est en entendant les roues d’un tricycle enfantin roulant sur le parquet du bar que je sors de ma méditation de comptoir. Je me suis trompé de scénario. Je ne suis pas dans un film de Kubrick. Malheureusement. Du coup, je regarde mon portable. Ah oui, maintenant il y a des portables. Sauf qu’apparemment, il n’y a plus de réseau. Guerre nucléaire, il parait. Pas de réseau, pas d’info, nous sommes peu de chose finalement. Mon verre fini, je grimpe aux étages, regarder aux fenêtres, voir des fumées au loin, et les montagnes du Colorado. Ah encore raté, vue sur le Mont Blanc. J’avais déjà oublié que je n’étais pas dans Shining. Pas d’inscription REDRUM sur la glace de la chambre non plus. 

« - Si on lui parle discrètement, je ne pense pas que Dylan le prendra trop mal, repris-je. Il tentera probablement d'en discuter avec elle. Il n'optera pas forcément pour un conflit ouvert. Nous ne sommes pas... des sauvages.
- C'est une option, même si l'isolement rend parfois les gens bizarres.
- Nous sommes suffisamment nombreux pour que la situation dégénère en mode Shining.
- Dans Shining, il suffit d'un seul homme, devenu fou. »

Nous sommes donc vingt recroquevillés dans cet hôtel. Je les connais à peine, pas le genre à faire de la sociabilisation avec mes voisins. Dehors, je ne sais même pas ce qui se passe, à part que personne n’a de nouvelles de ses proches. En dehors de ça, j’ai l’impression que tout le monde s’en fout.
Ah, j’oubliais ! On a découvert le cadavre d’une petite fille, je mène mon enquête un peu. Est-elle morte avant, après. Noyée ou assassinée. Cela tient quelques lignes sur mon journal de bord que je tiens à jour. Pour qui ? pour quoi ? Là aussi tout le monde s’en fout, de mon journal de bord, de trouver le meurtrier de cette petite fille. 
Ah, j’oubliais ! Quelqu’un s’est introduit dans ma chambre pour voler deux valises. Et alors ? Là, je crois que même moi je m’en fous.
Bref, que se passe-t-il dans ce monde-là après l’apocalypse nucléaire ? Probablement un monde pas si passionnant que ça, si j’en crois le plaisir que j’éprouve à lire mon journal de bord. De toute façon, si le monde en est arrivé là, c’est à cause de tous ces connards qui n’ont pas mis le bon bulletin de vote dans l’urne.
Quand à moi, la prochaine fois, j'irai plutôt réserver une chambre à l'Overlook Hôtel, et même si je suis le dernier. 

« Il y a des choses plus importantes dans la vie que manger de bons steaks et boire de la bière. Enfin, il y avait. »

« The Last », Hanna Jameson.
Traduction : Noam Cochin

Sur une masse critique, 
Merci donc à Babelio et les éditions Marabout, collection Black Lab,
à la recherche de Jack Torrance.
 



2 commentaires:

  1. Et toi, tu rêverais d'être où si c'était la fin du monde? Ça m'intéresse...

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    1. Je pellèterai une dernière fois devant ma cabane, une dernière bière et je finirai ma meilleure bouteille de whisky ou de rhum...

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