"Nous entrons dans le bosquet de bambous. La neige a fondu. Entre les vieilles plantes vert grisâtre, Fukiko remarque les camélias rouges au cœur jaune. Elle murmure :
- Le rouge et le gris, comme la lumière et l'ombre..."
Comme toujours avec Aki Shimazaki, je me retrouve plongé dès son titre dans mes cours de biologie végétale à la recherche de la pétasite du Japon, je passe sous silence la classification latine de l'espèce. Comme j'aime bien le silence et que je n'étais pas des plus assidus dans cette matière ça m'arrange un peu. Bref, revenons à la lumière du récit, ou plutôt à l'ombre du chardon.
Me promenant dans cette forêt de bambous, à la cueillette de ces pétasites - tu sens déjà ce délicieux parfum de fuki-miso mijotant dans la marmite -, je croise au loin ce couple, une femme avec une femme, Mistuo et Fukiko, qui se tiennent la main. L'image est belle dans ce Japon, où l’homosexualité est encore un sujet "légèrement" tabou, encore plus dans cette campagne reculée loin des quartiers tintamarres de Shibuya ou de Harajuku. Est-ce la présence des bambous, cette ambiance végétale qui m'entoure, mais je perçois ce parfum d'amour et de retenu. Juste une main dans la main, pas besoin d'être plus démonstratif, l'amour perçu dans ce silence contenu que seule une mélodie de Bach ou de Schubert viendrait imperceptiblement bercer.
"Au-dessus de nous volent bruyamment des goélands. Fukiko trébuche sur une pierre. Je la saisis par le bras. Il n'y a personne qui puisse nous voir. Nous marchons main dans la main. Ce geste nous vient spontanément. Ce n'est pas notre habitude, à Mitsuo et moi. Je lève la tête et contemple les oiseaux. A ce moment passe dans ma tête un morceau de Bach joué aux grandes orgues."
Mitsuo et Fukiko se sont pris un petit week-end, à l'abri des regards dans ce petit ryokan isolé. La patronne fait une drôle de tête, mais au final, avec le plus grand respect, elles se font discrètes. Au bain, elles vont, le yukata s'ouvre, et je suis aux anges, silhouettes élancées, cheveux libérés, pubis mouillé. Un bain de vapeur enveloppe le onsen, zut, je ne vois plus rien, la buée accapare mes lunettes, saleté de myopie, je perds les meilleurs moments quand elles s'approchent l'une de l'autre, se lavent passionnément, caresses sensuelles... Et avec pudeur, comme la plume de l'auteure. Toujours aussi belle, aussi poétique que délicate, juste l'image des mots qui se pose dans mon inconscient. A la découverte de la nature, à la découverte de sa "nature", à l'ombre des bambous.
"Dans la forêt, nous avons fait l’amour en toute quiétude. Les bambous vert brillant, le ciel bleu, la lumière du soleil pénétrant entre les feuilles fraîches... Nous sommes restées enlacées, sans échanger un mot."
"Fuki-No-Tô", Aki Shimazaki.
Trop envie de renouer avec l'auteure... J'ai une autre pentalogie qui m'attend depuis ces lustres (série en e-books)
RépondreSupprimerÇa fait longtemps que je ne l'ai pas lu. Mais comme je tourne presque exclusivement sur le marché de l'occasion, il est souvent difficile de récupérer ses pentalogies d'un coup
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
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