Ah, sacré Ignatius. Gros, une casquette verte toujours vissée sur ses cheveux gras, des poils de moustache jusque dans les narines, Ignatius est donc un personnage surprenant. Pas de quoi s’y attacher, bien entendu, il est du genre à passer ses journées sur le canapé de son taudis pour regarder des jeux télévisés incompatibles avec la notion de culture, malgré ses longues études universitaires chèrement payées par sa môman. Son plus grand plaisir semble être celui de martyriser sa pauvre mère qui n’en peut plus de l’ingratitude et de la paresse de son maudit rejeton. En plus, Ignatius est le maître incontestable du rôt. Ce n’est pas de sa faute, ne va pas lui en vouloir, c’est à cause de son anneau pylorique qui est défectueux à la moindre contrariété. N’empêche, on se fait un portrait peu reluisant du type.
« Mon appareil respiratoire est, malheureusement, d’une qualité inférieure à la moyenne. M’est avis que je suis le fruit d’un engendrement d’une particulière faiblesse de la part de mon père. Son sperme fut émis, je le crains, d’une manière très négligente. »
Hey, gamin ! Au lieu de taper des pamphlets politiquement enragés à ta meuf de New-York, il serait temps, Ignatius que tu lèves ton gros et gras cul de ton lit pour arpenter, mardi gras ou pas, les rues de la Nouvelle-Orleans et trouver un taf payer 20 cents de l’heure… Ô miracle et Hallelujah si j’avais une once de croyance en moi, il se fit embaucher comme je ne sais pas quoi dans l’usine locale à l’extérieure de la ville des Pantalons Levy. Et en peu de temps, il y mit un sacré bordel, sacré Ignatius. Vient alors son second boulot, peut-on descendre encore plus bas dans l’échelle sociale que vendeur de saucisses ambulants, même chez le prince du hot-dog des rues.
« Les gens méprisent les marchands de saucisses. »
Et là encore, en quelques jours c’est également le bordel complet jusqu’au bordel Les Folles Nuits où son incapacité notoire à vivre avec les autres s’affichèrent en première page des journaux du coin. Quand on nait incompris, Ignatius, eh bien, on est incompris et on le reste toute sa vie. C’est ce que doit se dire ce grand homme par la pensée et gros par le tour de taille. Surtout avec sa boucle d’oreille de pédéraste et sa tenue de pirate qu’il arbore presque fièrement en bouffant des saucisses tel un jour de mardi gras dans les quartiers touristiques de la Nouvelle-Orléans.
Allez, viens, enfile tes chaussures de bouligne, on va arpenter Bourbon Street, écouter du Jazz, Dr John est en ville, on va s'offrir un trip nocturne, bouffer du pop-corn à une séance de cinéma, écouter des troubadours psalmodiant des poèmes au LSD, rentrer dans des cabarets à la lumière louche avec des filles qui se déshabillent, arrête de loucher sinon ta valve va se boucher... Une drôle de rencontre.
« Décidé à ne fréquenter que mes égaux, je ne fréquente bien entendu personne puisque je suis sans égal. »
« La Conjuration des Imbéciles », John Kennedy Toole.
Traduction : Jean-Pierre Carasso.
Il y a bien trente ans que j'ai rencontré l'olibrius Ignatius. Gros gras héros du reflux gastrique et de la saucisse. Il a acquis un statut de personnage culte pour ce livre hors du commun. Son père John Kennedy Toole a choisi depuis belle lurette d'autres rivages. Dr. John et le vaudou sont de sortie, justifiée. 🎶
RépondreSupprimerAvec Trente ans de retard, je suis donc les travers d'Ignatius, l'olibrius. Dr John, seulement Vingt ans qu'il traverse mes plaines... Toujours en retard d'un chariot. Mais de temps en temps, j'apprécie le sillage du voyageur de la nuit, que je déguste avec ou sans saucisses.
SupprimerAh ah ah, tu m'as remis en mémoire l'inénarrable et inoubliable Ignatius avec son anneau pylorique, son gros cul, sa boucle d'oreille, ses chaussures de bouligne etc... Je te recommande la page wiki du roman. On y trouve une statut à la gloire du gros à la Nouvelle Orléans ainsi qu'un chariot de vente de hot dog, la Canal street, tout ça quoi ! ça t'a pas donné envie de lire la Consolation de Boèce toi ?
RépondreSupprimerEt ça fait 40 ans qu'on essaie de l'adapter au cinéma...
« Je pense que ce film est maudit. Je ne suis pas du genre à croire en la superstition, mais ce projet a vraiment un mauvais karma » Steven Soderbergh.
Justement, je voulais te demander si tu croyais un jour à son adaptation. J'avais lu son côté "maudit" où à chaque fois qu'il y a eu des projets pour sa version cinématographique, l'acteur principal meurt quelques semaines avant le "chantier"...
SupprimerSinon, si j'ai bien aimé, je n'en ferais pas un de mes livres cultes... Mais je vais lire la page wiki, je sens qu'il va y avoir de quoi s'amuser...
Pour moi non plus ce ne sera pas culte (c'est un peu long et répétitif au bout de 400 pages :-) ) et il n'évolue tellement pas, mais inoubliable quand même et ravie je suis de l'avoir lu sur les conseils d'un copain cinéphile.
RépondreSupprimerEt du coup, si les acteurs meurent, ça doit faire un peu peur aux gros.
Effectivement l'adaptation semble irréalisable. L'autre roman La Bible de néon avait été adapté très vite par contre.
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