Il avait dû monter l’escalier quatre à quatre car il était essoufflé.
- Enfin, sauf si vous avez un copain…
- Ce n’est pas le cas, répondit-elle en riant. En fait, j’en cherche un. Donc ça ne me dérange pas du tout d’aller boire un verre avec vous. »
On ne va pas se mentir, les histoires de train sont toujours les mêmes. Le train s’arrête en gare. Souvent de vieilles gares, certaines sont grouillantes, d’autres paraissent abandonnées. Des gens montent dans le wagon, pendant que d’autres en descendent. Voilà en quoi peut se résumer un roman sur une ligne ferroviaire, en l’occurrence la ligne Hankyu Imazu qui relie Takarazuka à Nishinomiya. Huit gares desservies et autant d’histoires à suivre sur un Aller-Retour.
Billet en poche, je monte dans le wagon lorsque la sonnerie retentit, attention à la fermeture des portes. J’aurais pu prendre le Shinkansen, j’ai préféré une balade ferroviaire dans la « campagne », juste histoire de regarder le bord de mer ou des collines souriantes et verdoyantes, un train bleu. Pourquoi avoir choisi justement Takarazuka-Nishinomiya ? Simplement pour observer les nids d’hirondelles dans une gare, une belle gare parait-il. Voilà, c’est aussi ça le Japon. Le respect pour ces hirondelles en sachant que leur fiente peut causer des ravages sur ton costume neuf ou mon tee-shirt noir Joy Division.
Mais il n’y a pas que des oiseaux, croix de bois croix de fer le cri du papillon, sur cette ligne pour agrémenter la conversation sur le quai. Je rencontre des lycéennes, des femmes de tout âge, vielles mégères ou jeunes femmes mûres comme ces fruits délicieusement acides et sucrées, des grands-mères avec leurs petits-enfants. Des couples qui se forment, et si on prenait un verre ensemble, une Carolus par exemple, des couples qui se déforment.
« Le moment était venu de rédiger le dernier SMS.
Elle y réfléchit quelques instants avant d’écrire :
Je n’en peux plus. Adieu. »
Un adieu par mail ou par SMS, dans l’air du temps, l'air d'un printemps et d'un automne, les fleurs de cerisiers s'envolent, les feuilles d'érables se dorent. Mais entre les « lignes » de ce roman, je perçois des notions importantes de respect et de politesse de la personne en face de soi, simplement le Japon. Bien sûr, tout n’est pas parfait, mais certaines valeurs subsistent, comme le code des samouraïs. On ne déroge pas à certaines règles, pour certaines ancestrales. Et c’est ce qui m’a plus dans ce roman, qui de prime abord, pourrait paraître futile et léger. Une fois que l’on franchit certaines lignes, j’en apprends, ou continue d’apprendre, beaucoup sur la pensée, la philosophie, l’état d’esprit de ce pays. Simplement en observant des vies, avec pudeur et humilité. Et quel en serait le meilleur observatoire ? Une ligne ferroviaire, bien entendu. Huit arrêts, autant de pauses intimes à l’intérieur d’une vie. Et par moment, il suffit d’une seule phrase d’une inconnue pour changer votre vie. Et c’est ce qui fait la force d’un tel roman, quel que soit le silence entre les lignes. Et le train entre en gare...
« Le train de fête de Takarazuka à destination de Nishinomiya-kitaguchi, dans lequel de nombreux passagers étaient montés et descendus, était maintenant prêt à accueillir ceux qui partaient dans la direction opposée.
La sonnerie annonçant le départ ne tarda pas à retenir, les retardataires se hâtèrent d'y monter, et les portes de refermèrent.
Il démarra. Quels récits habitaient ses passagers ? Ils étaient les seuls à le savoir.
Le train se lança avec sa cargaison d'histoires sur son parcours qui n'était pas infini. »
« Au Prochain Arrêt », Hiro Arikawa.
Traduction : Sophie Refle.
« Qu'est-ce qu'elle a de bien, cette gare ? se demanda Shoko en regardant les alentours. Elle avait suivi les conseils de la vieille dame.
La salle d'attente vitrée où elle se trouvait était meublée de sièges en plastique du côté du mur. Bien qu’ils soient alternativement roses et bleus, ils n'avaient rien de raffiné. Le climatiseur, qui servait sans doute de chauffage en hiver, était pratique, mais l'ensemble était vieillot. Les vitres s'embuaient probablement quand il pleuvait.
Les toilettes étaient propres mais n'avaient rien de remarquable non plus, et les boissons du distributeur étaient les mêmes qu'ailleurs. Elle se dirigeait vers la sortie quand un oiseau voleta au-dessus de sa tête. Des gazouillis excités se firent entendre. Elle leva les yeux et vit un nid d'hirondelles.
L’oiseau nourrit ses petits et repartit immédiatement. Shoko entendit d'autres gazouillis venir de la direction opposée.
Elle se retourna et aperçut un autre nid. Puis un troisième. Les cris des petits chaque fois que leurs parents s'éloignaient formaient un véritable chœur.
Elle remarqua la planchette fixée sous chaque nid, et l'affiche, qui n’était pas l'œuvre d'un professionnel.
Elle lut : « Cette année aussi nous sommes de retour. Pardon pour le bruit que nous faisons, et merci de nous couver des yeux jusqu’à l’envol de nos petits. »
Un texte qui ne pouvait qu’émouvoir le lecteur, probablement l’œuvre d’un employé de la gare.
Shoko avait souvent vu des affichettes appelant les passagers à faire attention aux nids d’hirondelles, généralement pour leur recommander de se méfier des fientes qui pouvaient en tomber, mais jamais écrites en se servant de la voix des parents hirondelles. »
J’aime beaucoup cette chanson de JL Murat, l’album Dolorès. « Le baiser » est très belle aussi. Des chansons que je n’’avais plus écouté et puis il nous a quitté et voila que je les redécouvre avec plaisir. Et puis cette arrêt et ces rencontres. Il me le faut aussi. :)
RépondreSupprimerBon, chiotte… je n’arrive plus a me connecter avec mon pseudo sur mon blog mais bon pas trop d’importance … Merci pour cette arrêt et merci pour le train bleu de Murat sans oublier celui de Coltrane.
Honnêtement, avant hier, je ne connaissais absolument rien de Jean-Louis Murat (mis à part son duo avec Mylène Farmer, j'ai eu ma période Mylène). Et le train Bleu reste pour moi Coltrane. Mais sa disparition m'a permis de le découvrir un tout petit peu, et ce que j'ai entendu m'a plutôt plu...
SupprimerJe ne te conseillerai plus un roman japonais surtout avec ta mauvaise expérience Yoshimura et son convoi de l'eau (qui pour moi touche presque le Graal du chef d'œuvre). Libre à toi donc de le découvrir ou pas :-) D'ailleurs je ne conseille jamais, je propose plutôt de la littérature...
Ca me gonfle vraiment cette histoire de pseudo grrrrrrrrrrrrr
RépondreSupprimerPareil. Ou pas mieux. Ca me gonfle aussi, même moi j'ai du mal à m'identifier avec mon compte G....
SupprimerIl y a beaucoup de choses entre les lignes des romans japonais. Parfois il n'y a rien, le silence. Et ce n'est pas rien ...
RépondreSupprimerMerci pour ces deux hommages au Japon et à Murat que je suis depuis les années 90 et ce train bleu ...
A bientôt.
Oui le silence n'est pas rien, bien en contraire, il est tout. Du silence, il y a l'âme, il y a la musique, il y a l'amour, il y a la vie et la mort...
SupprimerBonjour le Bison, j'avais aimé le roman japonais acheté par hasard. J'ai été attirée par la couverture et sinon, j'ai été stupéfaite d'apprendre le décès de Jean-Louis Murat par hasard. Moi qui écoute la radio, je n'en ai même pas entendu parler. C'est vrai que Murat ce n'était pas Halliday mais quand même. Bonne journée.
RépondreSupprimerJean-Louis se tenait tellement loin des médias que ces derniers n'ont même pas pensé à lui pour un dernier hommage. Mais bon, je n'écoute pas beaucoup la radio, non plus, seulement mes disques... Un très beau roman, sinon.
SupprimerEuh, le jour de sa mort (ou le lendemain) c'était journée Murat non stop sur France Inter. Emissions déprogrammées, 1 chanson dans chaque émission étou étou. J'ai trouvé ça plutôt pas mal pour un artiste aussi clivant, aussi peu commercial et mort un jour avant Tina.
SupprimerC'est incroyable cette voix presqu'enfantine alors que sa personnalité était plutôt... difficile.
RépondreSupprimerJe ne suis pas surprise que tu apprécies. Je n'ai que deux albums mais c'est assez envoûtant.
Je te recommande la version Live de Polly Jean (plus sexy tu meurs, yeah, yeah, yeah)
https://youtu.be/JhYqtqs9GC8
et l'incontournable Foule romaine
https://youtu.be/Qso_nqwKvZ4.
D'après les réponses que tu fais au premier anonyme, j'ai l'impression que tu me réponds à moi (à moins que tu n'aies recommandé Le convoi de l'eau à quelqu'un d'autre :-) ). Je ne suis pas cet anonyme. Jamais je ne dis "chiotte", moi c'est plutôt bordel de chiasse (beaucoup plus élégant).
Effectivement, je pensais que derrière cet anonyme-là, c'était toi. D'où ma référence à ta pénible expérience convoi de l'eau. Du coup, je ne sais pas qui est ce premier anonyme...
SupprimerTu peux peut-être trouver qui est l'anonyme qui semble bien te connaître dans ta page administrative où tu devrais trouver son adresse mail.
SupprimerJ'ai vendu sans difficulté Le convoi sur Rakuten :-)
Franchement, c'est un de mes livres dans le top 6 de 2023 !
RépondreSupprimerIl devrait être adapté au cinéma (tellement d'ingrédients et de mouvements)
Typiquement japonais, un plaisir... Je n'étais pas au courant pour le film mais je ne manquerais pas d'aller le voir au Studio...
SupprimerAh non, mon "devrait" était un souhait :-))
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