Vint me chercher. Je ne sais pas, je ne sais d’où
Elle surgit, de l’hiver ou du fleuve.
Je ne sais ni comment ni quand,
Non, ce n’étaient pas des voix, ce n’étaient pas
Des mots, ni le silence :
D’une rue elle me hélait,
Des branches de la nuit, soudain parmi les autres,
Parmi des feux violents
Ou dans le retour solitaire,
Sans visage elle était là
Et me touchait.
… »
Un 31 mai, je me tiens silencieux, le regard perdu dans les rêves sur ce quai de gare. Prochain train vers le Sud, la pampa. Le sourire verdoyant de ses « collines ». Prêt à m’embarquer vers de profondes aventures, comme une ardente patience. Il est 7 heures du mat, des odeurs de café noir chatouillant mon esprit. Des hommes se précipitent dans les wagons, entassement de bêtes dociles. Un brouhaha amplifié par les charpentes métalliques de la gare. Épris d’un ardent désir, je suis prêt à m’embarquer vers cette nouvelle vie, ce buisson ardent, avec en son cœur le silence, l’amour et la poésie. Je regarde mon téléphone portable, attendant patiemment un message pour me donner le signal d’embarquer vers ce monde nouveau. En attendant, je feuillette un bouquin, des poèmes de Pablo Neruda écrits sur l’île Noire, les mémoires de Pablo, qui me ramène forcément à une ardente patience d’un autre chilien Antonio Skarmeta.
Depuis ce 31 mai d’une autre année, d’un monde d’antan, je feuillette ce recueil, piochant un jour-ci une poésie d’amour, un autre jour une poésie de mort, des instants de nature, de sel ou de silence. Ce mémorial de l’Île Noire me sert d’échappatoire chaque fois que je me retrouve devant un train, bleu ou pas, sous la lune, bleue ou pas, dans le silence – ou le brouhaha d’une vie plus que poussiéreuse et abjecte.
« Derrière moi et vers le Sud la mer avait
Brisé de son marteau glacial les territoires
Depuis la solitude griffée le silence
Soudain se transforma en archipel,
De vertes îles entourèrent la taille
De ma patrie
Tel le pollen ou les pétales d’une rose de mer
Et, plus encore, profondes étaient les forêts embrasées
Par les lucioles, la boue était phosphorescente,
Les arbres laissaient pendre comme au cirque
De longues cordes sèches et la lumière allait de goutte en goutte
Comme la verte ballerine des couverts. »
Au milieu de la nuit, je me réveille comme une envie. Le désir de regarder ces grands espaces chiliens, cet amour pour l’amour, ces frissons procurés par les vagues et l’écume éjaculatoire qui tapisse de sa mousse blanche le rivage de ma vie. Mes nuits sont ainsi, pensées de tristesse, d’amour et de désir. Et ce plaisir de déboucher une bouteille de vin, chilien en l’occurrence, juste pour rendre hommage à la prose d’un romancier dont au final je ne connais encore rien de ses écrits.
Et au réveil, les yeux fermés par la poussière balayée par le vent, de long en large sur ces grandes plaines de pierres et de sel, je décapsule une nouvelle bière, entame une nouvelle poésie, des années que ce recueil me suit, c’est que dans la vie comme dans l’amour, il faut savoir prendre son temps pour savourer chaque instant, chaque moment de plaisir, d’un sourire ou d’une giclée de sperme.
Et en ce 31 mai, le téléphone ne sonna point, préservant ainsi le silence de la pampa. Je restai ainsi à quai, sans prendre le train de nuit – ou de jour – mais je découvris ainsi une poésie qui m’a souvent fui de mes envies, étant plus prose, plus terre que ciel, plus mer que terre. J’aime l’écume sur le rivage, ces vagues qui s’échouent, comme une vie qui se fracasse contre une falaise. Je suis sur l'Île Noire, un coin encore sauvage du Chili, en 1969, une année érotique parait-il...
« A bientôt, invité.
Bonjour.
Mon poème a surgi
Pour toi, pour personne,
Pour tous.
Je vais t’en prier : laisse-moi inquiet.
Je vis avec l’océan intraitable
Et le silence m’est pesant, terriblement.
Je meurs dans chaque vague chaque jour.
Je meurs dans chaque jour en chaque vague.
Pourtant le jour
Ne meurt jamais.
Il ne meurt pas.
Et la vague ?
Non plus.
Merci.
Ile Noire, Chili.
6 juillet 1969. »
« Mémorial de l’Île Noire », Pablo Neruda.
Traduction : Claude Couffon.
La poésie j'aime quand elle n'est pas en vers comme ici mais je lisais ça quand j'étais ado...
RépondreSupprimerMoi j'ai vu L'île rouge et pas l'ile noire.
Tina !!! Quelle façon de tenir une salle elle avait. On n'entend guère la voix de Cher mais le duo est beau;
Île rouge, île noire,
Supprimerle même soleil
pas la même mer...
J'avais choisi cette version de Tina, plus pour Elton que pour Cher, qui au final n’apporte pas grand chose à ce morceau...