dimanche 22 octobre 2023

Les Péchés du Colorado


Il y avait une vieille malle dans la chambre de ma mère. Je n'ai jamais vu une malle aussi vieille. C'était une de ces malles à couvercle rond aussi gros que la bedaine d'un obèse. Ainsi commencent ses souvenirs. Par l'image de sa mère qu'il redécouvre au fond d'une malle, abandonnée dans la poussière d'un grenier... Il revient ainsi sur son enfance, la découverte du vin de messe, le vin de la jeunesse. Avant donc de retrouver son alter-égo sur la route de Los Angeles avec ses rêves de Bunker Hill dans la tête, avant qu'il demande à la poussière de devenir le plus grand écrivain de l'Amérique, ce qu'il fut - un peu, du moins, dans ma bibliothèque -, il évoque ainsi ses premiers méfaits, des bêtises de gamins, perdus dans la neige du Colorado, entre un père brutal, volage et alcoolique, et une mère presque aussi pieuse que la Vierge Marie. D'ailleurs, il en récite quelques uns de ces sutras à la gloire de Marie, pleine de grâce et bénie entre toutes les femmes... 

"Ces hivers du Colorado étaient impitoyables. Chaque jour, la neige tombait du ciel, et le soir le soleil était un déprimant disque rouge qui descendait de l'autre côté des Rocheuses. Le brouillard drapait les montagnes, si bas que nos boules de neige l'atteignaient. Ce déluge blanc n'accordait aucun répit aux arbres. Le vent balayait la neige en grosses congères mortes contre les clôtures et les cabanes à charbon."
 
A genoux, il se confesse. Toujours avec une pointe de malice qui me fit sourire. Entre les prières, c'est la vie d'un couple italo-américain qui y est décryptée. Sous un ciel de rage et de tristesse, les flocons du Colorado tapissent la demeure familiale d'une blancheur que la mère voudrait voir immaculée alors que ces mêmes flocons, impitoyables dans ces plaines des États-Unis, colorent la vie de ca coin-là plutôt d'un gris sale. C'était un autre temps où un grand auteur n'était pas encore grand, où un gamin vivait d'insouciance et de petits péchés pour combler l'ambiance pesant au cœur d'une tempête. John Fante est né dans le Colorado et ses histoires californiennes se nourrissent de son passé, vécu là-bas, entre rêves et frustrations, entre espoirs et humiliations. John Fante est né avec Bandini dans ma bibliothèque et c'est toujours avec un grand sourire qu je replonge dans sa vie, même son enfance, à boire le vin de la jeunesse.
 
"Il dirait : si tu veux t'envoyer par-dessus les moulins, Jimmy, trouve-toi une catholique - c'est plus marrant, vous aurez plus de choses en commun ; il ajouterait que les femmes catholiques ont davantage de tempérament ; elles sont comme les femmes doivent être : tristes et mystiques."
 
"Le Vin de la Jeunesse", John Fante.
Traduction : Brice Matthieussent



8 commentaires:

  1. Retrouver Fante, retrouver Bandini. Voilà une super idée. Celui-là, je ne l'ai pas lu. Je le note pour me le procurer rapidement.
    C'est sur ton blog que j'avais eu une première piqûre de Devotchka. J'avais besoin du rappel. J'aime beaucoup ...

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    1. Je trouve que Devotchka, c'est un air de fraicheur dans le rock indé. Ils apportent une touche différente, un peu tsigane...
      Oh Fante, il m'en reste aussi encore quelques-uns à découvrir, avec ou sans Bandini, mais comme toutes les bonnes saveurs, je prends mon temps...

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  2. J'en garde un souvenir attendri...

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    1. Oui, on sent que sur ce roman Fante reste sur la nostalgie de son enfance...

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  3. Le (beau) chanteur siffleur ressemble (un peu) à Colin Farell. J'aime beaucoup.

    Pour le livre je ne suis guère tentée (ouf, ça fait un de moins). Un type qui dit : les femmes doivent être tristes et mystiques, ça me gave direct. Comme quand Matzneff prétend qu'une petite fille devient une "bonne femme". Je suis d'accord, le parallèle n'est pas très heureux mais les formules à l'emporte pièce (dont je suis coutumière, c'est ma psy qui l'a dit) me tapent sur le haricot.

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    1. Après, il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Fante, famille italo-américaine fraîchement immigrée, dans les années 30... C'est de la vieille littérature un peu d'une autre époque, et oui le regard sur les femmes à cette époque n'était pas très glorieux... Tu n'imagines pas qu'une femme puisse travailler tout de même dans les années 30 ;-))

      Le psy, c'est avant le yoga ou après le tarot ?

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    2. J'ai vaincu la psy par KO.
      Et si le tarot c'est en relation avec l'âge. Tu as encore perdu un point. :-('

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    3. Y'a pas d'âge pour jouer au tarot. Si j'avais des partenaires, j'y jouerais souvent... Là, je crois que les dernières fois remontent à la fac, oui j'ai passé une maîtrise de tarot, donc ça remonte à des années, des années où j'étais bien jeune, comme quoi y'a pas d'âge pour jouer au tarot.

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