mercredi 27 décembre 2023

D'une Terre Brûlée un Whiskey Tourbé


 A travers les champs bleus, je me promène ainsi sous le regard bienveillant de la lune. Platitude de la terre, mais pas des sentiments, je ne vois dans mon panorama que tourbières et pubs, la beauté de l’Irlande. Une odeur saline pénètre mon âme fouettée ainsi par le vent et la pluie oblique. Il faut un feu de cheminée pour supporter l’humidité – l’intimité - de cette chaumière, un feu de tourbes, une odeur de chèvre. La campagne irlandaise, quoi ! Une terre brûlée au vent des landes de pierres, un whiskey tourbé.

« Décembre est arrivé, pluvieux. Margaret n’avait jamais vu une pluie pareille. Elle ne tombait pas droit du ciel, mais à l’oblique, entraînée par le vent. Il y avait du sel sur les fenêtres et une odeur d’algues dans l’air. Tandis que les oiseaux souffraient de la faim, les gens là-bas en ville se mettaient à boire. »

Au pub, on me sert une bière brune, presque noire. Avec une mousse qui tient ainsi au sommet du verre, un long col blanc, comme une collerette de curé au sommet de sa robe noire. Car même dans un pub, même devant une pinte, la religion ne s’absente pas. Elle est toujours présente dans l’esprit des hommes, et des femmes. Surtout. Et des femmes, j’en découvre d'un autre monde. Fortes, solitaires, rejetées, elles sont présentes tout au long de cette aventure froide et humide, verte et saline, les modestes d’Erin.

« Plus tôt, les femmes étaient venues avec des fleurs, chacune d'une nuance de rouge plus foncée. Dans la chapelle, où ils attendaient, leur parfum était fort. L'organiste a lentement rejoué la toccata de Bach, mais un frémissement de doute se répandait sur les bancs. Déjà la lumière oblique du soleil matinal avait franchi le rebord en granit des fonts baptismaux et éclairait le bassin. Le prêtre a dressé la tête et fixé du regard les portes ouvertes, près desquelles les demoiselles d'honneur, vêtues de soie verte, se tenaient en silence. Derrière elles, un nuage pâle se désagrégeait dans le ciel d'avril. »   

Des femmes dans la tourmente, des femmes dans la tempête, des femmes tristes, c’est beau la littérature irlandaise, ce qui me vaut d’écouter un disque de Van Morrison, douceur, tout en me servant un verre de Connemara, douceur, l’eau pure des lacs, de la pluie et la tourbe, donnant ainsi un léger goût de fumé à mon verre, même si là-bas, le whiskey se prend chaud…

« Margaret est retournée chez elle et a mangé deux boites de saumon rouge, peau et arêtes incluses, accompagnées d’une pinte de babeurre. Elle s’est regardée dans le miroir. Le blanc de ses yeux était couleur de neige et sa peau était devenue celle d’une femme qui vit dans le vent salé. »

« A travers les champs bleus », Claire Keegan.
Traduction : Jacqueline Odin.



2 commentaires:

  1. Merci l'ami. Pour tes mots, pour ceux de Claire Keegan, et pour le Van et ses musiciens. Slainte!

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    1. Et pour les tiens, car en matière de littérature irlandaise, tu trinques souvent avant moi ;-)

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