samedi 24 février 2024

Bela Legusi est mort


Aux détours d’une rue de Buenos Aires, je découvre La Forteresse, une librairie d’occasion où je m’y plais à fureter dans un joyeux bordel semi-organisé afin d’y dénicher la perle rare, un roman d’un auteur argentin que je ne connais pas encore, par exemple ce jeune Pablo de Santis. Là-bas, le gars, Santiago Lébron, qui achète, vend et surtout répare des machines à écrire me conseille, et m’offre un verre… Pas une Quilmes, dont j’aurais pourtant bien eu besoin pour étancher la soif après quelques déambulations littéraires en Amérique du Sud. Ni même un Bumbu ou un maté. Non, il me propose un élixir couleur sang, qui parait-il selon les mythes propose l’éternité. 

« J'ai appris qu'une librairie doit se protéger autant de l'ordre que du désordre. Si elle est trop chaotique et que le client ne peut s'y orienter seul, il s'en va. Si l'ordre est excessif, le client a l'impression de connaître la librairie de fond en comble et que rien ne le surprendra. Et il s'en va également. Il faut songer que les librairies de livres d'occasion n'existent que pour les lecteurs qui détestent poser des questions : ils veulent trouver par eux-mêmes. De plus, ils ne savent jamais ce qu'ils cherchent ; ils ne le savent que lorsqu'ils l'ont trouvé. Dans La Forteresse, je laisse coexister des principes de classification contradictoires : ainsi, un mur est réservé à l'ordre alphabétique, un autre aux livres rares, un troisième aux récits de voyage ou aux classiques. Mon rayon favori est celui des œuvres dépareillées : un tome II des ‘Démons’, de Dostoievski, ‘Albertine disparue’, de Proust, l'appendice du dictionnaire étymologique grec de Lidell-Scott, le tome Ill de ‘Cœur de jade’, de Salvador de Madariaga... Ces livres, qui sont des rossignols, provoquent pourtant de temps en temps un petit miracle quand se présente un client à qui il manquait précisément ce tome-là. C'est agréable de voir que parfois, dans le puzzle du monde, une pièce finit par trouver sa place. » 

Alors comment dit, les histoires de vampires, ça me laisse un peu de glace… Bela Lugosi est mort, et depuis sa légende survit. Non franchement, l’histoire ne m’a pas passionné, par contre, j’ai plutôt bien aimé l’écriture de Pablo, et j’ai déjà prévu d’en lire d’autres.

Sinon, on erre entre les antiquaires, un club mystérieux, des morts suspectes et le ministère de l’Occulte qui va faire appel à Santiago pour sortir de l’ombre ces immortels et dépoussiérer les vieux bouquins. Mordre la poussière et boire une pinte de sang, c’était un programme prometteur et alléchant, mais ça reste du passé car loin de moi l’idée de venir un jour un de ces gars qui rêvent d’éternité. Heureusement, à l’ombre de ces vieux bouquins, on y trouve parfois son comte littéraire même si Dracula reste tapi dans l’ombre… 

« - Dans la vie, il faut toujours être attentif aux signes. 
- Quels signes ? 
- Ceux qui nous entourent. On ne peut pas vivre en croyant que tout n'est que hasard. Il nous faut trouver l'idée d'un ordre, d'un destin, sinon nous sommes perdus. Les romans policiers nous rendent attentifs à ces signes, ils nous incitent à avoir les yeux grand ouverts. 
- Les romans policiers n'ont rien à voir avec ce que vous dites. II n'y a que des crimes, des détectives, de grandes demeures et des majordomes, ou bien des crimes et des détectives, des ruelles et des femmes belles et redoutables. 
- Il y a plus. Dans les romans policiers, tout est conspiration, complot, secret. Et tout finit par s'emboiter, par avoir un sens. Vous n'avez pas remarqué ces objets perdus, dispersés ici et là, un parapluie cassé, une chaussure sans lacet, une lettre de femme, une boite d'allumettes ? Ces objets qui semblaient être le fruit du hasard finissent par se changer en signes du destin. Ainsi, chaque fois que nous lisons, nous voyons comment tout se complète, nous nous permettons de rêver de l'unité perdue et retrouvée. Les romans policiers font semblant d'être rationalistes, mais ils sont tout ce qui nous reste de la mystique. »


« La Soif Primordiale », Pablo de Santis.
Traduction : François Gaudry.
 


 
 
 
 
 
 
  
Le mois LATINO, c'est en février ! 

 

2 commentaires:

  1. Je n'ai lu (ou plutôt commencé à lire) qu'un seul de ses romans : La traduction. Le sujet m'intéressait au plus haut point et était présenté comme une enquête en huis-clos (lors d'un congrès de traducteurs sur une île). Je confirme que le style est très beau, mais je me suis ennuyée et ai eu l'impression que l'auteur "se regardait écrire". Et il y avait aussi ce petit côté gothique (sans vampire cependant) qui n'est pas du tout ma tasse de thé.

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    1. ah ben quand je disais que j'avais déjà prévu d'en lire d'autres, je pensais exactement à La traduction qui est déjà dans ma PAL... On verra donc, si j'ai un peu plus d'entrain avec cette histoire de traduction qu'avec les vampires...

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