lundi 19 février 2024

Une mort à l'argentine


"J'avais promis de t’écrire pour tout te raconter mais depuis des jours je tourne en rond, j’écris et je jette. Une lettre comme celles d'autrefois : j’aime écrire à la main. Il y a si longtemps que je voulais t’écrire, mais impossible de laisser quelque chose qui pourrait tomber entre leurs mains. Les lettres se nouent et forment des mots dans ma tête. Bruissent. J'aime ce chuchotement de la plume sur le papier. Elle le caresse, l’égratigne, fait surgir des mots cachés, prisonniers. Comme ces noms que je comptais sur les doigts de la main gauche : ceux des nôtres, et sur la main droite ceux de nos ennemis. Des noms que je répétais sans cesse, comme une lente litanie, une prière païenne. Je m’en souviens encore et il y aura bientôt vingt-sept ans, depuis ce 16 septembre 1976 où j'ai commencé à les mémoriser. "
 
Une femme noyée est retrouvée sur la plage près de Saint-Nazaire, Médecin sans histoire, et sans passé, la piste la plus évidente est le suicide ? Muriel, une jeune journaliste qui veut faire sa place dans sa nouvelle rédaction régionale, aidée d'un ami et de la vieille voisine de la victime va tenter de percer le mystère de cette mort. Une mort qui n'est pas vraiment un suicide, mais une mort qui ne semble pas trop intéressée les autorités locales, une mort à l'argentine...
En effet, elle semble avoir été jeté d'un avion à la mer, vivante et anesthésiée, ce qui ressemble fort à ces vols de la mort de la dictature argentine...
 
 Entre présent et passé, l'auteure m'a souvent perdu dans ses allers-retours entre 1978 et 2005. Comme elle m'a également égaré entre les prénoms de la victime, Marie, Maria, Juana, Soledad... plusieurs prénoms pour une même personne et une histoire entre Saint-Nazaire, Marseille et Buenos Aires, le flou s'est fait autour de moi ayant du mal à suivre le cheminement de cette militante. 
 
 Limite la fiction fait un pas de côté, pour mettre en avant le côté presque documentaire de l'histoire. L'ESMA, cette école de mécanique de la marine qui fut le centre de détention et de torture privilégié de la dictature, est au cœur du roman, comme tout livre portant sur cette période sombre de l'Argentine. C'est aussi un roman sur le militantisme que Muriel essaiera de pénétrer au bout de son enquête. Ignorante au début, elle écumera les archives afin de comprendre le passé de la victime, Marie, Maria, Juana, Soledad (quel beau prénom) pendant le mondial de la honte...
 
 Une fois n'est pas coutume, j'ai eu beaucoup de mal avec ce roman argentin. Peut-être trop confus, à mon sens, très politique, mais de cela je l'ai ressenti dès les premières pages...

"- J'aimerais que tu sentes l'odeur de la mer. - Yves a inspiré lentement, profondément, comme s'il voulait s'introduire dans cette odeur et y plonger Juana. - J'aime l'odeur de la mer au coucher du soleil, à l'approche d'un orage, le matin. Et ce soir ici, avec toi, c'est sublime. L'odeur de la mer a changé dès que tu es arrivée. 
Soledad sourit. En ce moment elle est Soledad, l'amante d'Yves. Elle aussi sent la mer. Depuis toujours. Pour elle l'odeur de la mer est celle de La Paloma, la mer de son enfance, l'odeur d'algues et de rochers, l'odeur des jeux avec ses frères dans les pinèdes et les dunes, la baleine que parfois ils apercevaient. Elle ne parle jamais de La Paloma, ni de la maison de ses parents à Anaconda, où elle a vu les plus beaux crépuscules du monde, mais à Yves, pourquoi ne pas le lui dire : ça sent comme à La Paloma."

« Double Fond », Elsa Osorio.
Traduction : François Gaudry.
 


 
 
 
 
 
 
 
 Le mois LATINO, c'est en février ! 
 

 

5 commentaires:

  1. Ce titre a été proposé dans le cadre du Mois latino par une autre lectrice, qui a exprimé les mêmes bémols que toi. J'ai donc retenu le nom de l'auteure, mais fait le choix de la découvrir avec un autre titre (j'ai lu du bien de Luz ou le temps sauvage).

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    1. oui, j'ai lu aussi le billet de Sacha... Pour moi, ce mois latino ne sera pas d'une grande réussite cette année. J'en ai lu deux autres, dont encore un qui n'a m'a pas convaincu non plus... 1/3, désolé pour cette faible côte d'appréciation cette année... Je me rattraperai mieux l'année prochaine, j'espère... D'habitude mes lectures sud-américaines de ce mois sont plus attractives...

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    2. Difficile de savoir si on a fait bonne pioche avant la lecture... c'est déjà beaucoup de participer ! Je ne suis d'ailleurs pas certaine de reconduire l'an prochain, je vois bien que l'engouement s'essouffle.. ce qui ne m'empêchera pas de continuer à lire latino, il me reste pas mal de titres en stock !

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  2. En effet, je n'ai pas adoré moi non plus, mais l'autrice a des choses fort intéressantes à raconter. Je ferai donc une nouvelle tentative avec Luz qui semble plus abouti. Parce qu'il faudrait quand même l'écriture suive, il ne suffit pas d'avoir un bon sujet :-D

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    1. oui le sujet ne suffit pas... d'ailleurs l'écriture m'intéresse souvent plus que le sujet, que je pioche diversement selon mes envies d'un soir ou d'une nuit... A retenter ou pas, pour ma part, on verra si l'occasion si prête, merci de ce passage...

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