dimanche 25 septembre 2022

L'Ange Gabriel

Il était une fois... un joli conte de fée... Et comme tout conte de fée, une jolie fée. Et dans le ventre de la fée, un bébé... Jusqu'ici, tout va bien. Un jour, naquit donc l'enfant, l'ange Gabriel. Avec un prénom comme ça, il ne peut effectivement qu'être angélique. Je ne sais pas ce que tu penses de moi, peu importe j'aurais tendance à dire, je ne vaux pas le coup qu'on s'épanche sur mon cas, mais crois-tu que je sois le genre à lire des contes de fée... Alors, oui, Gabriel est l'unique fils d'une femme magnifiquement belle, mais à la vie trop éphémère pour notre petit ange qui se retrouve rapidement esseulé au milieu de ses silences, ses démons, ses pulsions.
 
Et pendant ce temps-là, je fredonne, Gabriel-le- Tu brûles mon esprit, ton amour étrangle ma vie Et l'enfer Ouais, devient comme un espoir car dans tes mains je meurs chaque soir... Au masculin, prémonitoire.
 
"Elle pleure tout bas, noyée et brûlée à chacune de ses toux. Dans sa tête se mêlent les odeurs fades et âcres de sperme et de bile. Gabriel laisse tomber un bras en travers du petit ventre plat, en signe de tendresse, de paix demandée. Avec une sorte d'inconscience insolente, de légèreté enfantine, il lui fait même un sourire. Et elle aurait envie de le blesser dans son orgueil, de l'envoyer balader en trouvant les mots qui le réduiraient à une poussière, une minuscule poussière de monstre. Mais elle n'est qu'épuisement dans tout ce corps allongé, sa misère, sa solitude, sa déveine, son rêve cassé, elle en crèvera."  

D'ange Gabriel, cet enfant devint adolescent, une fille, une première fois, fragile et mal à l'aise dans cette chambre de garçon remplie de photographies de chattes en gros plan. Elle crie, il la veut. Il lui mort les seins, elle crie encore. Et plus elle crie, plus il bande. Il lui arrache sa culotte, sur ses cris - ou ses pleurs maintenant. L'excitation au zénith du jeu. Bien loin des histoires de fées, l'ange devint ainsi monstre. Et ce n'est que le début de l'histoire d'un premier roman où parfois des ventres de fée surgissent des ogres affamés de sang, de sexe, aux pulsions assourdissantes. Et parfois d'un roman surgit des mots durs, des mots noirs, des instincts terrifiants, des pages que l'on tourne mais que l'on ne devrait pas. 

"La première il l'avait tuée sans lui faire de mal. La petite Myriam. Malgré le temps qui a glissé là-dessus, et malgré leur nombre, il se souvient très bien de ses victimes. Il l'avait étranglée pour assouvir un vieux désir. Il avait voulu enfin posséder un corps. C'est plus tard que le sexe s'était mêlé à la mort. C'est plus tard qu'il avait touché, caressé, palpé et pénétré des chairs avant et après leur mort. Longtemps d'abord il était resté cet être à deux têtes : violeur et assassin. Mais il tuait les petites filles sans les violer, violait les femmes sans les tuer. Puis brusquement..."

J'ai besoin de m'allonger, sur un lit à regarder un plafond lézardé, sur un canapé à regarder à travers un toit sans lune, sur un divan à consulter une psy... Oui, je crois que j'ai besoin d'une analyse d'urgence. Cette pulsion frénétique à tourner des pages aussi sombres que malsaines, et dire que j'ai aimé un tel bouquin, dans le moindre détail jusqu'à la putréfaction des corps... Ai-je le droit d'aimer lire un tel roman, si glauque aux relents de pourriture dégoulinante et de chairs dépecées  ? Je me pose des questions, je prends un verre peut-être même deux, la bouteille se vide, pour me donner du courage ou l'envie de gerber ce parfum de mort en moi. Car malgré tout, j'y ai trouvé de la poésie, dans les mots, dans les actes décrits, dans l'univers de Gabriel, cet ange noir. J'ai besoin de laver la poussière qui colle à ma peau, à mon âme avarié...

"Découper les membres, la tête, sortir les viscères, détacher la chair avec de l'acide ou bien la brûler ou bien l'enfermer, au fond c'était comme déchirer une feuille de papier, ou la froisser ou l'enflammer. Exécuter quelque chose avec quelque chose - c'était en des termes aussi flous qu'il pensait -, opérer une transformation physique d'un corps biochimique. C'était l'effet que toute cette activité lui faisait : celle d'un travail manuel. Il se sentait chimiste, pharmacien, médecin-légiste. D'ailleurs, s'il n'avait pas été aussi l'assassin, toute cette activité post-mortem aurait pu être légale."
 
"Le Ventre de la Fée", Alice Ferney.
 

 

7 commentaires:

  1. Oui tu as le droit de le lire puisqu'il a été écrit.
    Mais elle devient quoi la maman ?

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  2. Brrrr ! J'en frissonne encore, en repensant à cette lecture..... ;-))

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  3. Une terrifiante histoire... et ce si beau tableau de Klimt, intitulé l'Espoir.
    Dans cette poésie que tu as trouvée entre les lignes, tu as côtoyé cet espoir justement?
    C'est de cet espoir que surgit la poésie?
    DSL, c'est un soir comme ça, de bouillonnements intérieurs... :-)

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    1. Anonyme it's me! pfffff :D

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    2. De la poésie entre les lignes... mais aucun espoir. zéro. même en cherchant bien... même en regardant au fond d'une bouteille de whisky...

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