jeudi 8 septembre 2022

Ambiancer, Marabouter


Trois ans de taule pour une bagarre, c'est cher payé même en Francs CFA. Enfin bon, il est temps de tourner la page. Sauf que Solo, c'est son nom, il aime bien ambiancer à la tombée de la nuit, caresser la croupe des gazelles, mais pour ça il faut aussi de la thune. Alors Solo doit replonger dans ses fréquentations, son cousin Tito qui lui a tout appris et qui lui demande juste de voler une caisse, de passer par l'essenserie pour remplir le réservoir et de l'attendre... Une histoire simple, un coup à se renflouer rapidement. D'ailleurs il touche une avance. Et le soir même, c'est chaud l'ambiance. Trois ans qu'il n'avait pas levé une femme, mais pas une de ces gossettes où il faut allonger de l’argent juste pour voir leur string, alors qu’on ne s’est même pas allongés... Sodomie ou brouette, nuit chaude femme cochonne. Une lune bleue dans le maquis, nuit cochonne femme chaude.

« Koumba avait vu les quelques photos qu'elle lui avait présentées. Franchement, elles étaient cochonnes. Sodomie, brouette, écrin à bijoux, tape-cul, approche du tigre, vignes enlacées, cerf en rut... Koumba aurait sûrement flingué sa femme si c'était elle qui se retrouvait sur ces fichues photos. Il en était sûr et certain. Putain. Malgré ses quarante ans au compteur, Ginette baisait encore comme une gossette de vingt ans, s'était-il permis de penser. »


Aaaahhh... Combien d'années que je n'avais pas mis les pieds à Libreville... La nostalgie me prend, les souvenirs refont surface, immergé que je suis par la poussière de latérite qui se soulève de la route au passage des RAV4 noirs ou des BMW grises. Je tourne le dos au soleil, l'hypermarché Mbolo où des vendeuses d'arachides s'alignent le long de la route, l'avenue Jean-Paul II si propre la journée, si chaude la nuit (si feu le pape savait ce qu’est devenu son nom). Ambiance nocturne, je m'assois dans mon dos-tourné habituel, une musique d'IAM crachée d'une grosse berline au ralenti, La vie est belle, le destin s'en écarte / Personne ne joue avec les mêmes cartes / Le berceau lève le voile, / Multiples sont les routes qu'il dévoile / Tant pis, on n'est pas né sous la même étoile, je mange mon riz-yassa. Derrière-moi, c'est le défilé des belles, des gossettes et des femmes plus mûres, avec toujours cette même envie de caresser ou d'ouvrir leurs cuisses tarifées. Aaaahhhssez parlé de ma vie, j'ai envie de me dire que j'ai partagé une cour d'école avec un grand écrivain, Janis Otsiemi, revenons au Gabon. Revenons à toutes ces magouilles. 

« A la rompée, Koumba déposa Owoula chez lui avant de venir le chercher autour de 24 heures pour aller faire l'ambiance à Yogo santé, le plus grand bordel de la capitale, où ils étaient de véritables abonnés de la cuisse tarifée. »
 
Et il n'y a pas à dire, l'auteur n'a pas peur de dénoncer, dans la truculence de la langue africaine, les travers de sa société, gangrené à l’extrême par l'argent. La thune, au centre de tout, du gamin au premier ministre. La corruption, l'activité la plus lucrative du pays. Tout se paie en pots de vin, tout s’achète en billets sous le manteau. Du braquage au maraboutage. Dernier point, des jeunes garçons sont kidnappés, leurs corps retrouvés mutilés avec leurs attributs coupés. Une affaire de plus pour la PJ. C’est une histoire sale dans laquelle va tremper Solo, mais ça tu t’en doutais déjà. Pour ambiancer toute la nuit, il faut se donner les moyens…       
 
« - Ne vous en prenez pas à moi, les mecs, rouscailla Solo. Vous connaissez le proverbe : "Qui avale une noix de coco fait confiance à son anus." »
 
« La Bouche Qui Mange Ne Parle Pas », Janis Otsiemi.




7 commentaires:

  1. Je ne trouve pas trace de Nanard et ses dames de nage...
    Je l'ai donc lu pendant mes vacances (à la mer) mais pas sur le sable (trop occupée à construire des châteaux éphémères). J'ai beaucoup aimé. Je ne l'aurais pas lu sans toi. J'y sens une grande part autobiographique car Bernard a je crois été marin dans sa prime jeunesse. Je comprends mieux ce que signifie "une femme dans chaque port". Un grand amoureux ce héros. C'est bien écrit et ça fait voyager. C'est tellement bien décrit qu'on voit précisément les différents environnements même quand il est à Paris sous la pluie.
    Merci.
    Ensuite, Nanard s'est assagi pour procréer et mettre au monde cette fille dont la voix te fait des choses !

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    1. Voilà ce que j'en disais le 17 mars 2014, donc sur un autre site obsolète, avec la poussière qui va avec (mon écriture n'était pas top, mais l'est-elle devenu aujourd'hui, je n'en suis pas convaincu) :
      "La Rochelle, ses deux tours et le regard fixé à l’Ouest. Les vagues qui déferlent et à l’autre bout, le Chili, la Patagonie. Mes yeux suivent le courant un peu plus au Sud, cap sur l’Afrique. Les embruns parfument ma mémoire, cris sauvages de beuveries rue de la Soif, cris perçants de mouettes attirées par le retour de pêche. Je pense à ces marins qui ont toujours envie de mettre le cap à l’ouest, je pense à cette Afrique, rieuse et chaleureuse, ces amants d’un soir, d’une nuit dans un port inconnu, cette belle femme noire. J’imagine ces hauts plateaux d’Atacama où le soleil et le sel te brûlent la peau, là-bas au bout du monde, pays de Coloane et de Sepulveda. Je voudrais rencontrer Bernard Giraudeau pour qu’il me conte sa vie, sa jeunesse, son parcours si atypique dans la vie d’un cinéaste. Alors, je le lis. Pour la première fois..."

      Et à l'époque, je ne connaissais pas encore sa fille dont la voix chavirerait n'importe quel marin...

      "...« Les Dames de Nage » démarre à La Rochelle, adolescence d’un jeune cinéaste, une première rencontre avec Amélie. Âme qui me lit. Âme dans mon lit. La première femme compte toujours.

      Elle deviendra son souvenir, ce premier amour qui change le monde. De premiers émois, jeune, trop jeune, des rencontres fortuites après, mais toujours ce sentiment de communion entre deux êtres. Puis il y a eu Jo, cet amour inaccessible, cet amitié indicible, son univers harmonieux qui réunit des êtres larguées par une société pas à leur portée. Bernard a besoin de voyager. Paris, c’est bien, c’est beau, les filles sont belles. Mais l’ouest, c’est mieux. La mer, aussi, les vagues, les embruns, d’autres filles, d’autres amours. Je dis Bernard, mais cela pourrait être aussi Marc – Austère comme l’écrivain mais avec un e accent grave-re – le narrateur de cette histoire, de ces déambulations maritimes. Car, je n’émets aucun doute sur le fait qu’il y a de grands moments autobiographiques dans cette passion, dans ces rencontres, dans ces histoires d’amitié..."

      Et cette voix (je reviens à sa fille) qui m'emporte comme la houle, me fouette fluette comme les embruns... une voix comme un vent d'iode...

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  2. Je viens de lire la "carrière" de Nanard avant d'être acteur... Incroyable
    Petit-fils d'un cap-hornier et fils d'un militaire de carrière (dans l'infanterie), souvent en mission pendant la Guerre d'Indochine, puis la Guerre d'Algérie, il s'engage en 1963, à l'âge de seize ans, dans la Marine nationale ; il entre à l'École des apprentis mécaniciens de la flotte de Toulon, implantée à Saint-Mandrier-sur-Mer, et en sort major de sa promotion, en qualité de matelot breveté.

    Embarqué de 1964 à 1966 sur le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc, comme matelot puis comme quartier-maître, il participe aux deux premières campagne de ce bâtiment tout neuf. Il embarque ensuite sur la frégate Duquesne, puis sur le porte-avions Clemenceau. Il quitte la marine au bout de sept ans pour tenter sa chance en tant qu'acteur. Âgé de vingt-deux ans à peine, il aura bouclé deux fois le tour du monde sur le Jeanne d'Arc.

    Il occupe différents emplois aux Halles ainsi que dans une agence de publicité, puis se lie à une troupe de théâtre itinérant, originaire de La Rochelle.

    En 1971, à l'âge de 24 ans, il entre au Conservatoire national supérieur d'art dramatique et y obtient un premier prix de comédie classique et moderne en 1974.

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    1. Quelle vie avant sa vie d'acteur... Et si j'avais été moi aussi sur le Jeanne d'Arc... J'en rêvais, il s'en est fallu de peu, d'un rien, j'aurais fait le tour du monde, j'aurais été en Polynésie... Mais je ne me plains pas, à la place j'ai navigué en Afrique... un peu comme Nanard...

      Et après, il a eu une (merveilleuse) fille... Tu as écouté sa voix ? Quelle merveille, de mémoire j'aurai dit une scie sauteuse, mais je viens de vérifier, tu t'y connais mieux que moi en mécanique, c'est plutôt une scie circulaire (ou une roulette de dentiste, c'est à cause de ça que je ne vais plus chez le dentiste, le bruit de cette roulette). Comme quoi, je suis peu de chose, une voix et je suis subjugué...

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  3. Je trouve que ton écriture était déjà pas mal du tout et Nanard nous fait bien voyager.
    Bon, la voix de fillette de fifille... je ne comprends pas qu'elle fasse chavirer mais en même temps je comprends... bref :-) dans mes oreilles c'est une torture. Comme l'accent de Jean Seberg par exemple alors que j'adore celui de Jane Birkin. Disons que l"acoustique c'est pas simple.

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    1. Toi, tu as revu hier A bout de souffle :-).... Par contre, franchement Jane Birkin ne me provoque rien du tout, le calme plat, une voix qui aurait presque tendance à m'énerver, je ne sais pas pourquoi...

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  4. Oui j'ai revu A bout de souffle (si vous n'aimez pas la mer...) et le doc qui suivait et Le Mépris l'avant veille. La télé ça a du bon. Je reverrai Pierrot très vite. La mort ça... donne envie de revoir les films.
    Alors si la voix de Jane t'énerve tu peux comprendre l'effet que me fait celle de Sara.

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