«Alvaro Vives part de bonne heure tous les dimanches pour aller chercher les empanadas chez Violeta. Il aime le lent trajet toujours par les mêmes rues jusqu'à l'autre bout de la ville, non seulement pour la paix que procure une habitude ininterrompue, mais aussi parce que les empanadas de Violeta sont véritablement magistrales - un déjeuner dominical chez Chepa et Alvaro Vives, répètent les amis et parents invités, n'est pas un déjeuner sans les empanadas de Violetta : cette pâte parfumée, légère, et la farce juteuse, cuisinée avec un équilibre très étudié. Oui, après avoir mangé une empanada de la Violeta des Vives, à côté toute autre semble faite de chiffons mous et farcie d'un hachis puant le cadavre. »
Ce dimanche-là, comme tous les autres dimanches, le jour du seigneur et des empanadas. Les femmes sont parties à la messe, les hommes au bistrot. Le soleil tape, la sueur dégouline déjà de sous ma chemise. Même la poussière a la flemme de s'envoler et reste collée à la route. Je m'installe devant la télévision, mieux que la messe, le feuilleton, façon télénovelas, épisode 69 qui raconte des histoires d'amour, des histoires de sexe et surtout des histoires d'empanadas. Et à propos d'empanadas, celles de Violetta sont si exquises qu'elles mettraient à genoux le curé de la paroisse avant son vin de messe. Elles parfument la cuisine jusqu'aux étages regroupant les chambres qui d'habitude présentent plus des odeurs de naphtaline. Mais le dimanche est un jour particulier, et ce parfum quel délice, j'imagine le jus de la viande qui coule dans ma bouche lorsque je mords dedans et englobe mon palais... C'est chaud, c'est exquis, c'est divin. Comme une bouteille de vin. C'est brûlant, c'est sublime, c'est divin. Comme un entrelacement de jambes et de sexes entre les draps blancs.
«L'odeur des empanadas emplit la maison, cette odeur de pâte chaude, grillée, d'oignon et de piment et le jus rouge de la viande bouillant dans l'enveloppe de pâte, réchauffe cette sacro-sainte odeur de dimanche depuis le début de la mémoire. »
Ce dimanche-là, comme tous les autres dimanches, j'ouvre un bouquin, un vieux truc des années soixante-dix. Je me laisse porter par son auteur, un chilien que je ne connais pas encore. Et je suis pris par l'histoire de cette bourgeoisie chilienne, de ses amours et ses parties de sexe entre la haute société et les domestiques. Je découvre un monde de violence et de cruauté, un monde de désir et de frustrations, un monde de solitude. Je garderai en mémoire longtemps les empanadas de Violeta, celles que l'on déguste un dimanche sous la tonnelle du jardin, le verre de vin à portée de main. Pourquoi est-ce qu'on est emporté par un bouquin ou le bouquet d'un verre de vin ?
« Ce Dimanche-là », José Donoso.
Traduction : Mathilde et Albert Bensoussan.
« Chepa qui ravalait ses larmes, ne put parler, elle ne fut capable que de bouger la tête, acquiesçant : pardonné, pardonné mille fois, tout le pardon que vous voudrez, car pardonner c'est être capable de tout donner à nouveau. »
Pas très engageante la couverture du bouquin, le titre par contre... fait bosser l'imagination.
RépondreSupprimerBelin en concert, ça doit être quelque chose !
"J'ai une amie Vickie, son vrai nom est Suzie, on l'appelle Su, mais moi je l'appelle Vie...", ça me fait rigoler autant qu'une pelletée de neige.
Aujourd'hui c'est le jour de l'Arabe du futur, suite et fin. Joie.
Du coup, toi tu l'appelles comment ? C'est vrais qu'elle est bizarre c'te nana dont on sait pas son nom....
SupprimerJe découvre Belin, il est encore temps... Et j'apprécie beaucoup... je vais me plonger un peu plus sur son cas...