« Épilogue : Un an après cette aventure, John Coltrane fut canonisé
par le pape sous le nom de Saint Trane. Le premier volet de son œuvre A LOVE
SUPREME remplaça le GLORIA dans la messe catholique. »
Prendre un verre de vin, mettre un disque
de jazz, ouvrir ce petit livre rouge. La révolution, par le vin, par le jazz,
par le communisme. Un beau programme sur une Afrique des années 70, une vision
colorée… monochrome en Rouge. Il n’y a que du rouge, même dans la couverture.
Les premières nouvelles parlent de cette période où le communisme devient la
religion d’état. Avec une verve toute africaine, Emmanuel Dongala s’amuse de
ces situations derrière lesquelles se cachent une pointe de cynisme et de
désillusion. Sortir de la colonisation blanche pour verser dans la colonisation
rouge… avec du vin rouge qui tâche… âpre et écorchant.
« Les gens de Pointe-Noire sont de grands buveurs de bière et de vin
rouge importé, ce qui fait qu'à cette heure où commence la nuit, ils
envahissent les buvettes comme les insectes nocturnes courent à la lumière,
afin d'étancher une soif accumulée toute la journée dans cette ville où il fait
particulièrement chaud malgré la présence de la mer. »
Nuit noire, nuit blanche, quatre heures du
mat’, la bonne heure pour penser à ma misérable vie, ou l’oublier. Le froid
pointe, je ne suis pas à Pointe-Noire malheureusement, les femmes couleur ébène
s’immiscent dans mon monde de rêves et de musique, des tambours qui auraient pu
être du Bronx mais qui viennent des bidonvilles, et surtout du jazz. Un verre
de vin... De palme, c’est toujours mieux qu’un vieux rouge qui râpe la gorge.
Je mets un disque sur la platine. Le soleil est couché mais sa lumière reste
intense, au fond de mon cœur. La lune se dévoile, éclaire mes ondes, sensuelle,
blue moon je l’appelle, et Sun Ra m’illumine.
Tu n’aimes pas Sun Ra, trop illuminé… Je
te l’accorde, sa musique est trop libre, de ses mouvements, de sa fougue et ses
fugues, le saxo s’échappe même dans un délire digne des grandes discothèques à
l’air libre de l’Afrique noire. Noire et rouge à la fois, la révolution. Sun Ra
est un révolutionnaire, à sa façon. Un illuminé surtout.
« Harmoniques incessamment reprises presque simultanément sur divers
tons, comme s'il jouait deux, trois saxophones sur des octaves
parallèles ! La ferveur monta, monta, devint si intense, si captivante
qu'on ne distinguait plus les mouvements de ses doigts tant ils montaient et
descendaient les gammes de son instrument à une vitesse que l'on aurait cru
plus rapide que la lumière ; cette ferveur transforma l'homme et la
musique confondus dans un tourbillon de son à l'état pur : une nébuleuse
qui éclate dans l'univers, hors du temps des horloges des hommes, dans un
univers où toutes choses sont passionnées et brûlantes, où tout n'est
qu'essence, une étoile qui éclate donnant mille petits feux, mille petits
soleils. Nous n'existions plus ; nous aussi, nous faisions le voyage avec
le Maître, le sorcier ; grande fête païenne, festin dionysiaque, enfer et
damnation, soufre et sel, l'amour, le salut. Le Maître nous avait atteints et
transpercés. Nous baignions dans un monde d'amour suprême sublimé. « A
love supreme », criait-il. »
Alors si tu n’es pas passionnée par
l’Afrique et si Sun Ra t’émeut autant que l’indifférence d’un homme à exprimer
ses sentiments, il te reste quand même la dernière nouvelle. Vibrant, émouvant.
Un hommage, The Trane, A love Supreme, John Coltrane, l’autre illuminé qui
impressionne Emmanuel Dongala tout au long de sa vie. Moi, j’adore l’Afrique,
j’aime Sun Ra, Coltrane et son Love Supreme font partie intégrante de ma vie,
alors ce petit fascicule rouge, je l’ai profondément aimé. Il m’a touché, ému,
fait sourire – ah non pas sourire, je suis le genre de bison à ne pas avoir de
sourire sur sa vieille face triste -, illuminé. Ah… Ça fait donc trois illuminés pour une femme
extraordinaire, car dans tous livres, il y a une femme…
« Jazz et Vin de Palme », Emmanuel Dongala.
« Si
je meurs, je voudrais que l’on joue du jazz pour moi ou alors, que quelqu’un
ait la gentillesse de passer pendant ma veillée funèbre le disque A Love
Supreme. »
Je crois que je vais passer mon tour sur ce coup-là....
RépondreSupprimerJe te comprends, le Trane ça vient du cœur, de l'âme, de l'amour. C'est pas une musique du hasard, c'est juste une évidence.
SupprimerPasser ton tour sur le livre pourquoi pas mais sur le Love Suprême, tu ne peux pas petite grenouille ! :)
SupprimerCe Love Suprême c’est THE Album de toute une vie !
Pour Trane et pour Love Suprême j’ai envie de découvrir cette histoire.
RépondreSupprimerMerci Bibi :D
et pis y'a aussi Sun Ra ! :-))
Supprimerà écouter avec une Chouffe...
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