dimanche 16 décembre 2018

Les Tatous


Une guerre éclair entre l’Argentine et l’Angleterre. Et trop loin de chez nous pour que l’on y soit passionné. Toujours est-il que c’est le premier roman argentin qui croise ma route de lecteur "nu-sous-mon-pancho-comme-un-vrai-argentin-de-la-pampa" et aborde la Guerre des Malouines. D’ailleurs qui cela intéresse les Malouines, surtout en plein mois de mai et juin – durée de la pleine guerre – autour de ces petites îles peuplées de quelques autochtones et autres pingouins de l’hémisphère très-au-sud. De la neige, du froid, du vent. L’air est glacial en cette période, les brebis bêlent - surtout quand elles se font prendre par derrière par des bipèdes - et les tatous creusent.

Ils se nomment ainsi, entre eux, les tatous, comme un hommage à l’animal qui creuse son terrier. Eux ils vivent dans une tranchée, à l’abri du vent, du regard et des bombardements. Ils ont creusé également leur terrier, ceux qui ne veulent plus faire la guerre pour la dictature argentine. D’ailleurs, elle va bientôt se terminer cette guerre, et puis faut pas pousser non plus, dans un mois la coupe du monde va avoir lieu, l’Argentine est tenante du titre, restons mesurés dans la démesure politique.

« La peur, la peur c’est pas toujours pareil. La peur change. Il y a peur et peur. La peur de quelque chose – d’une patrouille que tu peux croiser, d’une balle perdue – c’est une chose, mais la peur continue toujours là, qui traîne partout, c’en est une autre. Tu trimballes cette peur, naturelle, constante, tu grimpes péniblement la côte, tu es à bout de souffle, chargé de bidons et de sacs, et une patrouille surgit, et par-dessus la peur que tu trimballes apparaît une autre peur, une peur forte mais toute fine comme un petit clou planté au centre de la blessure… Il y a deux peurs : la peur de quelque chose et la peur de la peur, celle que tu traînes toujours avec toi et dont tu ne pourras jamais te débarrasser à partir du moment où elle s’est installée. »


Alors, oui, j’avoue, j’ai regardé un peu sur Wikipedia ce qu’on disait de cette guerre des Malouines. Je me souviens de l’avoir entendu à quelques titres aux JT d’Antenne 2 à l’époque, cela devait être Christine Ockrent. Mais comme je l’ai dit, trop loin, trop court, trop jeune pour que cela marque. Avec ce roman de Rodolfo Fogwill, je partage donc quelques jours de la vie de ces tatous pas tatoués et sans ukulélé. Je sens le froid qui glace le sang et les os, les problèmes de rationnement, le marché noir avec les Anglais, comment chier dans une tranchée, les rêves de certains, les histoires des autres qui n’ont pas vraiment de noms, juste des surnoms. C’est intéressant, pas aussi passionnant, trop loin, trop court, je l'ai déjà dit deux fois. As-tu déjà pensé à baiser une brebis ? avant qu’elle n’explose sur une mine, odeur de chair et d’abats chauds et fumants qui s’engouffre par le vent au-delà des collines et pénètre par le conduit de cheminée du terrier… Putain ce qu’il fait froid. Et humide. Fuck le blizzard, encore. On revient toujours au blizzard dans ces putains de vie…

« Ils disaient :
- Qu'est-ce que tu voudrais, toi ?
- Baiser.
- Dormir.
- Prendre un bain.
- Etre à la maison.
- Dormir dans des draps blancs, propres.
- Baiser.
- Bien manger... T'imagines une petite grillade...
- Voir mes vieux.
Ils n'en croyaient pas leurs oreilles. Ils ont demandé confirmation :
- Tes vieux ?
- Oui, et baiser et prendre un bain, ajouta celui des vieux sûrement pour ne pas avoir honte.
- Toi, Tano ?
- Dormir dans un lit propre.
- Et toi ?
- Moi être bien, loin, avoir chaud.
Avoir chaud tout le monde était d'accord. L'un dit :
- Baiser et être Brésilien.
- Quoi, noir ?
- N'importe quelle couleur. Mais Brésilien ! »    

« Sous Terre », Rodolfo Fogwill.



4 commentaires:

  1. Fait frette dans ce roman... frette comme dans les vrais romans qui parlent de la vraie vie...
    Ça vaut la peine quand même de s'arrêter et de partager quelques jours de la vie de ces tatous, parce qu'on a tous une empreinte quelque part qui une fois partagée, devient un peu aussi la nôtre...
    Fuck le blizzard !

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    1. Très frette... A cause du blizzard... et aussi des latitudes... Brrr... faut pas oublié son string en escale par là-bas... Fuck le blizzard...

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  2. Perso, non pour la brebis, et toi ? ;)

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    1. Tous les goûts sont dans la nature, surtout en période de pénurie... ou de guerre...
      Mais en fait, je suis plus bisonne, je ne mélange pas les espèces même dans les soirées orgiaques...

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