Si tu vas à San Salvador, va voir la femme
qui sait lire dans les yeux du sort et qui traîne dans les ports… et les
bordels aussi. Il y a deux endroits où les affaires se font : au bar ou au
bordel. Ce sont là que les contrats se signent ou que les poignées de main se
serrent. J’y croise de braves types d’ailleurs, au sens large du terme, comme
Juan Alberto Garcia surnommé Robocop, une machine à tuer probablement. Cet ex
sergent d’un escadron de la mort au Salvador, du jour au lendemain, se retrouve
au chômage. Le monde est donc en crise, pour tout le monde. La guerre est
terminée – sic – il doit penser à sa reconversion dans le civil. Les contacts
gardés, surtout une réputation monstrueuse, lui permirent de facilement trouver
le job, mercenaire et garde rapprochée.
« C’était
un hôtel minable, où je cherchais à être vu le moins possible, parce que la
meute d’indics devaient déjà avoir mon portrait. Ce mois-là, je n’ai rien
fait : je passais une partie de la journée dans les cinémas Dario, Izalco
et Alameda, où il y avait une double projection de films pornos ; le soir
j’avalais quelques bières dans un restaurant à deux coins de la rue de
l’hôtel ; et je passais le reste du temps à dormir, profondément, comme si
je récupérais d’une fatigue vieille de plusieurs années, comme si pour la
première fois j’avais l’occasion de me reposer autant que je le voulais, sans
l’idée que j’allais devoir tout à coup participer à une nouvelle opération. »
Horacio Castellanos Moya décrit sans pitié
son pays d’adoption dans lequel règne la sauvagerie de l’âme humaine, la
corruption sanglante de cette société. La guerre est finie, mais les factions
rivales continuent de s’affronter, l’armée est toujours aussi présente, les
morts n’ont guère d’importance, les hommes non plus. Seul le pouvoir justifie
les actions. Et l’argent, et la drogue. Notre sergent est parfois dans de
mauvaises passes, surtout qu’il ne peut plus aller dans son hôtel de passe,
avec sa pute attitrée, trop visible, trop prévisible, mais
« Robocop » n’est pas un surnom usurpé. Sans âme, et surtout sans
remord, la survie à tout prix, le prix du sang et de la vie.
Alors, oui, un roman sans espoir mais sans
concession aussi sur la pourriture de ce monde. Un univers masculin et sauvage,
pour ne pas dire barbare. Un peu d’alcool, mais du fort, quelques putes, mais
des belles, du sang, beaucoup de sang qui gicle abondamment… Si tu vas à San Salvador,
tu sais à quoi t’attendre maintenant… Et la femme dans tout ça… Elle s’en est
retournée vers d’autres clients à la chemise plus blanche que ce mélange kaki
militaire et rouge sanguin.
« Numéro
Un s’est chargé de mettre hors service le système d’alarme, Deux et Trois ont
paralysé les chiens avec des fléchettes, et Rudy et moi on a égorgé les deux
sentinelles. Ensuite on a pénétré dans la maison. Je suis entré le premier. Les
deux types n’ont pas eu le temps de réagir : ils étaient plongés dans les
sofas, en train de regarder la télé, quand les rafales des
pistolets-mitrailleurs avec silencieux les ont abattus. On a grimpé les
escaliers : Deux et Trois se sont préparés à prendre d’assaut la première
pièce, pendant qu’Un et moi sommes allés jusqu’au bout du couloir : lui
s’occuperait du grand patron, et moi je réglerais son compte au chef des gardes
du corps. Rudy est resté au rez-de-chaussée. Mais Deux et Trois ne sont pas
sortis de la pièce au bout des sept secondes programmées. Un m’a regardé avec
inquiétude. Il m’a donné la consigne du plan C : lui rentrerait abattre le
grand ponte et moi je resterais dans le couloir. Et c’est ce qu’il a fait. Mais
sept autres secondes ont passé et ni Un, ni Deux, ni Trois ne réapparaissaient
dans le couloir. Le silence était complet. L’opération avait foiré. »
« L’homme en Arme », Horacio Castellanos Moya.
Gare aux éclaboussures !!
RépondreSupprimerC'est presque aussi salissant que de manger des spaghettis à la bolognaise...
SupprimerJ'ai lu Le bal des vipères et j'ai aimé. J'ai écouté cette semaine même un vieux disque de Lavilliers. Alors tout me va ici.
RépondreSupprimerLes vieux disques de Lavilliers ont une saveur particulière (remarque, les récents aussi). Et puis, je sens que mon histoire avec Horacio n'est qu'un début...
SupprimerJe n'irai pas à San Salvador.
RépondreSupprimerTant pis... Il doit y avoir du bon rhum, tout de même...
SupprimerUne jour j'irai au Salvador et je tâcherai de me faire amie avec Juan Alberto Garcia, pour découvrir les bas fonds du pays, je me sentirais entre bonnes mains :D
RépondreSupprimerÇa joue dur là-bas, très dur. Mais oui, un jour j'irai le découvrir ce pays sauvage, sauvage de nature humaine et de paysage. Parce que c'est comme ça, une attirance parmi tant d'autres...
"une" jour, quelle merveille... ^^
SupprimerPour le côté sauvage, le Salvador a du répondant. Violence et bas fond, misère et flaque de sang. Mais comme tous ces pays, en dehors des sentiers battus de la civilisation barbare, il doit être à découvrir...
SupprimerPour celui là je passe
RépondreSupprimerJe crois que c’est plus sage hein ?
:D
Tu dois pouvoir te contenter de la chanson de Lavilliers...
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