mardi 21 mars 2023

Le Boucher de Buchenwald

Falkenberg, Suède.
Buchenwald, Allemagne.

Deux lieux, deux époques. Une même histoire. Celle d’un tueur en série. Il faut oser placer un thriller dans un camp de concentration. Ça rajoute du glauque au déjà glauque. De l’abject à l’abject.

« Olofsson devait l'admettre : le seul truc qu’il connaissait sur les camps, il le devait à La Liste de Schindler. Il pensait encore à la scène du balcon avec Ralph Fiennes. Le personnage incarné par Fiennes avait vraiment existé. Un taré pareil qui tirait les prisonniers comme des lapins en fumant une cigarette, c'était proprement incroyable, non ? Hitler avait invité tous les psychopathes du pays à tuer quiconque n’était pas aryen comme on écrase des fourmis. De gros, gros malades, ces SS. Des escadrons de serial killers à qui on avait donné le droit de tuer à volonté. L'œuvre de Hitler. Une sale page de l’Histoire. »

D’abord, la suède, un cadavre a été retrouvé au bas d’une falaise : trachée sectionnée, yeux énuclées et un Y gravé sur le bras… Entrent en scènes Emily la profileuse et Alexis l’écrivaine, pour cette première « enquête » qui comme tout enquête piétine au début. Difficile de trouver des liens entre les victimes (des enfants ayant été retrouvés morts du coté de Londres), les lieux et les suspects. 

Comme une alternative au récit, je me retrouve au milieu de la boue, mélange de terre et d’excréments, une puanteur infame, des cris et des corps décharnés au cœur du « Block 46 ». Peut-être (mais je pense que tout lecteur s’en doute), l’origine du mal est à découvrir ici, à Buchenwald.

Heureusement, je ne m’éternise pas dans l’horreur de cette époque puante qui a signé la fin de l’humanité, l’auteure me propose une alternance entre les lieux et les époques, afin que je puisse souffler un peu, respirer l’air pur de la Suède pour ne pas suffoquer d’horreur dans l’air pestilentielle d’un camp de concentration, des barbelés au cœur d’une hêtraie. 

« Un de ses camarades de block, celui qui avait avalé son alliance lors de l'inspection d 'entrée et la récupérait inlassablement dans ses excréments, avait parlé de « déshumanisation des prisonniers », Erich avait trouvé le mot bien pudique. C’était comme identifier une maladie en en ignorant les symptômes. Ils n’étaient pas seulement déshumanisés, ils étaient assoiffés, affamés, exploités, torturés, avilis. Buchenwald, c’était une douloureuse étreinte avec la Mort qui n'en finissait pas. Dans chaque action, chaque tâche, à chaque pas. 
Pourtant, Erich n'avait pas encore connu le froid. Le vent qui balayait le camp, « le souffle du diable », était aussi mortel que le Luger du SS, avait assuré un Polonais au torse rongé d'ulcères. Lorsqu'il évoquait l'hiver, ce gars pleurait. Il pleurait ses camarades gelés sur le sol qu'il avait dû décrocher à la pelle.»

Au final, un excellent roman noir, roman d’horreur, roman puant, sombre dont il faut bien reconnaître la qualité de l’auteure à me faire enchaîner les pages, non pas pour finir au plus tôt avec l’inhumanité de notre monde, mais bien pour découvrir les aboutissants de ce serial-killer que j'appellerai en mon for intérieur et en toute intimité le boucher de Buchenwald.         
« Block 46 », Johana Gustawsson.


 

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