Lumières sur la nuit : des étoiles brillant dans le ciel nu, des néons signalant au loin le prochain bar, le phare de l’Indian moteur vrombissant et soulevant la poussière du désert. Le blouson de cuir, et accrochée à mon ventre de buveur de bière, la belle Big Jane et ses longues jambes caramélisées qui chevauchent admirablement mon engin.
« Des rubans de lumière enveloppaient Billy et Big Jane. Sur l'Indian, ils filaient sous le Lincoln Tunnel dans un bruit de tonnerre, franchissant les autoroutes de l'Est, explosion de vitesse, pneu neuf, hamburger et root-beer float dans un A&W d'une ville inconnue. Ils survolaient des océans de terre. En chemin, le jour se muait en nuit, puis revenait au jour. Ils longeaient les rives escarpées du Missouri au-dessus de Pierre, South Dakota, où la ville rejoint la rivière Cheyenne, traversant le vieux Cheyenne River Bridge de l'autre côté duquel il n'y a plus la moindre clôture. La plaine était immense, éblouissante, le ciel en forme de dôme incroyablement vaste : c'était le début de l'Ouest, le vrai. »
Sur la route de Kerouac, mais en version gros cube, dévalant l’asphalte d’Est en Ouest, du Nord au Sud, traversant les états vides, seuls sur leur moto, Billy et Big Jane. Comme deux copains, ils s’arrêtent boire des bières, et Billy à défaut d’être reconnu, sort de temps en temps sa guitare et son cahier à chansons où ils griffonnent quelques mélodies d’amour et de tristesse. Si vous sillonnez les honky-tonks du coin, nul doute que son nom sera reconnu de quelques piliers de comptoirs… Deux âmes libres et fragiles.
Sur la route de Cimino, au milieu de nulle part, tu t’arrêtes au Vernon White Steak House, gigantesques T-bone steaks au menu, arrosés de sauce Jack Daniel’s et de quelques pintes d’une bière qui à défaut d’être puissantes restent rafraîchissantes. Et peut-être qu’au bout de quatre pintes, le doute va s’installer en toi. Tu vas te demander ce que tu as fait de ta vie, ce que ta vie a fait de toi. Tu en concluras rapidement : rien. Donc il ne te reste que deux options : continuer à foncer sur ton Indian en fermant les yeux, ou t’engager chez les Marines pour la guerre de Corée…
« Billy se tourna face au micro et déclara d'une voix cassée, pleine d'émotion :
- J'ai un petit air intitulé "Runaround Moon".
Il gratta la guitare de Vernon et joua les premiers accords, un peu hésitant au début, testant la salle, puis avec une détermination et une présence que Big Jane n'avait jamais vues. Elle rougit de fierté. Les autres musiciens se joignirent à lui. Sur leur visage, on pouvait lire : "Ce type est un enfoiré !".
Billy, pour la première fois accompagné par un vrai groupe, sentit l'adrénaline monter et se mit à jouer à merveille. Une tension sexuelle circulait entre lui et chaque femme en vue alors qu'il se penchait sur le micro :
...Money in my pocket, shine in my car,
livin' under my hat, playin' in bars,
a twelve-string bandit, from sundown till noon,
I'm a runaroun man, 'neath a runaround moon...
can't be tied down, like the ocean's tide,
full moon comin' down, gotta run, gotta, ride,
but my heart and my mind, they're not always in tune,
'cause I'm a runaround man, 'neth' a runaround moon...”
« Big Jane », Michael Cimino.
Traduction : Anne Deouet.
Un de mes réalisateurs cultes. J'ai assisté à une master class passionnante où il jouait les rocks star et croisé sur la lagune très diminué, soutenu par une très jeune fille...
RépondreSupprimerJe ne savais pas qu'il avait écrit. Cela m'intéresse. Sa vision des États-Unis est passionnante n
J'ai l'impression que c'est son seul roman. Pas si mal d'ailleurs, il montre une certaine Amérique. Mais quelques ellipses temporelles qui par moment fait perdre la route...
SupprimerDifficile, sa carrière. Pourtant après Voyage au bout de l'enfer... l'un de mes préférés sur le Vietnam... Comme s'il ne s'était pas remis des Portes du Paradis où que les studios ne lui avaient pas pardonné...
Reste L'année du Dragon qui repasse justement en ce moment sur Arte...