dimanche 25 février 2018

L’Esthétisme du Chaos

« Le silence intérieur comme prélude à l’écriture. »

Sur son Olivetti rouge mécanique, Antoni décrit son monde. Sa prose s’articule sur la beauté de l’univers, sur son chaos. L’esthétisme du Chaos, premier critère de ses écrits. Embauché par un étrange « Cabinet des Investigations Littéraires », il file sur New-York, la première étape de son parcours initiatique au sein du chaos et de l’esthétisme. Déambulations nocturnes de la ville et rencontre de deux âmes pour ce même goût de l’esthétisme sensuel. Antoni découvre l’Art de Anca, street-grapheuse qui peint sa chatte à la peinture rouge sur tous les murs de la ville. J’imagine déjà le plaisir à voir la reproduction de sa vulve au détour d’un coin de rue, illuminé par le néon d’un bar, la lumière vive d’un lampadaire, l’éclat d’une lune…

Les draps froissés d’une chambre de motel, plaisir enivrant des sens, fantasmagorie divine du vin et de la pine. Se frotter corps trop corps, sentir l’épine frémir. Déambuler telles deux âmes noctambules, s’installer au volant d’une vieille guimbarde et partir à la recherche d’un écrivain inaccessible. Baiser. Forniquer. S’abreuver de ce doux nectar qui coule entre nos cuisses. L’amour est esthétisme, la vie devient esthétique, la baise se fait chaos, la vie est un chaos inextricable. Je lis un ver de Baudelaire, un verre à la main, je feuillète un livre, j’imagine t’effeuiller dans une chambre de motel vers minuit. Dans la chambre d’à-côté les murs vibrent, baise d’un soir. Bruyant. Féroce. Sauvage. Eau sauvage qui s’écoule de nos cuisses. De l’autre côté, la jouissance d’une trompette, l’orgasme d’un piano. Je reconnais Thelonious Monk, Bill Evans ou Chet Baker. Minuit, une heure vers laquelle les corps plongent, où tu te penches sur mon sexe pour l’avaler, le désir donne soif, aller jusqu’à la dernière goutte. Minuit, la lune se découvre, enlève son voile de nuages, se montre à nue, impudique et irrévérencieuse. Le corps en sueur, l’âme rêveuse encore parfumée de stupre, Antoni glisse une nouvelle page blanche dans son Olivetti rouge mécanique, je glisse mon majeur dans ton rouge pourpre.

« Après avoir erré deux bonnes heures, je passe devant le Strand Bookshop et circule entre les piles de livres d'occasion qui côtoient les livres neufs. Dédales infinis d'un labyrinthe où Pynchon me sourit. Bleeding Edge. J'achète quelques livres sur les motels et Nabokov. Dans les rayons d'occasions, je tombe sur la section Vampires, Zombies et consort. Je feuillète quelques livres, couvertures colorées des années cinquante avec pin-up à la poitrine digne d'émoustiller camionneurs, écrivains et collectionneurs. Je parcours quelques textes. La plupart du temps, des histoires de collège, de beuveries, de parties défoncées, de fellations alcoolisées oubliées dans les brunes mornes du petit matin. J'achète un Laura Kasishke dont j'avais aimé A Suspicious River, curieux de voir comment elle aborde les revenants. Un livre dont le titre m'intrigue et me plaît : "J'ai toujours voulu écrire une histoire de vampire." L'auteur m'est inconnue, elle a trente-deux ans, c'est son premier roman : Norma Arikian. Un poème des Fleurs du Mal cité en exergue en flamme ma curiosité :

La fontaine de sang

Il me semble parfois que mon sang coule à flots,
Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.
Je l'entends bien qui coule avec un long murmure,
Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.

A travers la cité, comme dans un champ clos,
Il s'en va, transformant les pavés en îlots,
Désaltérant la soif de chaque créature,
Et partout colorant en rouge la nature.

J'ai demandé souvent à des vins capiteux
D'endormir pour un jour la terreur qui me mine ;
Le vin rend l’œil plus clair et l'oreille plus fine !

J'ai cherché dans l'amour un sommeil oublieux ;
Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles
Fait pour donner à boire à ces cruelles filles !

Je lis la première phrase : "Le rossignol m'a fait découvrir le monde des ténèbres." J'achète.
»

Je ne me laisse pas dérouter par l’esthétisme de ce chaos. Bien au contraire, je plonge mon âme dans les ténèbres et arpente les pages de ce roman comme d’autres arpentent les trottoirs nauséabonds vers minuit. L’écrivain catalan n’est pas à son premier essai, il enchaîne les coups de maître comme d’autres enchaînent les passes de nuit. Je reste toujours subjugué par le charme de sa plume, par sa vision fantasmée de la vie, je me sens comme investi d’une mission secrète, celle de promouvoir le sexe et la plume, chatouilles divines de la vie, de ce grand auteur de l’esthétisme. Si le « Cabinet des Investigations Littéraires » cherche un nouveau pigiste pour arpenter les rues sombres et les ténèbres, j’achèterai avec mon premier cachet cette Olivetti d’un rouge métallique comme le sang coulant entre tes cuisses…  

« L’Arpenteur des Ténèbres », Antoni Casas Ros.

Plaisir d’une masse critique,
merci à Babelio et au Castor Astral
pour la jouissance de l’Esthétisme du Chaos.
  

« Lorsque je repose le livre, il fait nuit, j’ai froid, je tremble. Je remonte dans la chambre où Anca s’est endormie couchée sur le ventre. La lumière orangée qui filtre à travers le tissu poussiéreux de l’abat-jour découpe les formes de son corps, ses épaules, ses omoplates, sa colonne vertébrale entourée de longs muscles – une vallée. Je me déshabille, me couche contre elle, respire son parfum vanillé, sa nuque, ses cheveux. Son corps commence à onduler, je suis pris par sa houle. Elle presse ses fesses contre mon sexe. J’embrasse ses lobes merveilleux, j’insinue ma langue entre les deux monts qu’on pourrait aussi appeler de Vénus. Je savoure l’ourlet de son anus qui a un goût de curcuma et de jasmin, puis je glisse jusqu’à sa vulve délicieusement ouverte, chaude, rosée de lune sous ma langue. Nous faisons longtemps l’amour avec une lenteur délicieuse, deux vagues qui se chevauchent sans fin. »

8 commentaires:

  1. Prometteur tout ça dis donc, tu en parles bien !!

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    1. plus que prometteur !!
      J'ai une grande histoire avec ce catalan...

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    2. Oui, je me souviens d'un précédent billet...

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    3. une grande histoire d'amour avec cet auteur...

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  2. Déambulations nocturnes et draps froissés d'une chambre d'hôtel... Ce n'est pas fait pour me déplaire… (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)

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    1. j'aime quand les draps sont froissés et que la lune illumine de son bleuté la vie...

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  3. Qu’est-ce que c’est beau et sensuel tout ça...! L’art des sens, du sexe rouge pourpre, des jouissances et orgasmes, un majeur fouineur pour alimenter le charme, et que dire d’Anca dont l’Art tapisse les murs ternes de la ville hum hum... D’ailleurs j’ignore si ce street-art existe dans mon coin de pays, mais forcément rouge carmin sur blanc neige ça doit être hot... ^^

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    1. Magnifiquement érotique d'une sensualité torride comme un majeur en émoi ou un pauvr'type tapissant le sol enneigé d'un blanc immaculé de sa signature d'un jaune urine. C'est ça le Street-Art où charme et chatte vont de paire.

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