« Jorge fait la planche sur un fleuve large et profond. L’eau froide soutient son corps et lui gonfle les sens d’ardeur vitale, tout est bleu et frais, tout est très beau. Pour flotter sur l’eau, il est capital de ne plus entendre, de fermer les oreilles de l’intérieur et de plonger tout entier dans un silence liquide. Il est possible de flotter sur l’eau sans eau, il suffit de se remplir de silence. »
Certains hasards m’emmènent dans des lieux inconnus dont l’intensité du voyage m’éblouit par sa poésie. Certains romans me transportent dans des pays où les sens effleurent ma main qui tourne les pages. Je ferme les yeux et j’entends New-York au début du siècle dernier. Je change de chapitre et je plonge dans un coin perdu de l’Argentine. Le temps d’une respiration, mon cœur bat au rythme du fado, le regard porté sur Lisbonne.
En compagnie de Karl, Fernando et Jorge, l’auteur distille quelques notes d’onirisme entre ces lieux qui deviennent pour moi à la fois magique et mélancolique. Les mots touchent au sublime, le silence se remplace par une petite musique intérieure qui enivre l’âme des hommes qui n’appartiennent pas au ciel. En filigrane, d’illustres écrivains insufflent leur esprit, l’auteur rend ainsi hommage à Kafka, Pessoa et Borges.
« Une musique vient de loin. Une musique qui n’est pas jouée, qui s’entend à peine. Une musique qui entre par la fenêtre et qui est le ressentir ou le souvenir de quelqu’un qui est déjà passé et qui est resté par là. Une mélodie est la plus belle épitaphe à laquelle on puisse aspirer.
La musique de la rue eut l’amabilité de réveiller Fernando et de lui dire qu’il était encore vivant ou, tout du moins, qu’il était encore capable d’entendre la musique. Les oiseaux dans sa poitrine s’envolèrent vers d’autres cieux, laissant derrière eux des petites plumes, bien peu de chose. »
Prêter une âme à un lieu, à une musique, à un silence, voilà ce que propose ce premier roman de Nuno Camarneiro. Il raconte trois histoires, simples et humaines, de trois jeunes hommes trop sensibles pour ce monde. Des jeunes hommes qui s’entourent de silence et de poésie et qui prennent le temps de découvrir ces lieux, les autres, les âmes flottantes autour d’eux.