mercredi 13 décembre 2017

Le Train des Larmes et le Goût du Sirop d'Érable

Il retira l'omoplate d'orignal qu'il avait enfouie sous la braise, et entreprit de lire le présage.

Mukwa est un jeune Ojibwé. Je suis en terre indienne, terre froide et enneigée, à l'ouest du Québec, à l'est de la Colombie-Britannique, avec un territoire qui s'étend jusqu'au nord du Michigan. Il n'y a pas si longtemps que ça, quelques années en arrière, à peine quelques décennies. Dans la tradition, il aurait dû certainement prouvé qu'il était un homme, avec sa longue chevelure noir-corbeau, en chassant peut-être l'ours avec un couteau, ou en digne fils de trappeur poser seul des pièges à vison. Mais à l'heure où les hommes mettent un pied sur la lune pendant que d'autres hommes regardent à la télévision ces hommes mettre un pied sur la lune, blue moon sous le hurlement du loup solitaire, que valent ces traditions ancestrales ?

Dans les wagons de troisième classe destinés aux enfants indiens, tout le monde pleurait.
Même chose sur les quais, puis tout le long du trajet.
Railway of tears...
Jamais train n'avait aussi bien porté son nom.

Le jeune Mukwa est contraint par les autorités de prendre le train des larmes. Il se trouve sur le quai, avec d'autres indiens comme lui, en pleurs. Railway of tears... Direction le pensionnat Sainte-Cecilia. Quitter son monde, et découvrir celui des blancs. Un monde fait de brimades, d'humiliations, de torture même. Des nonnes sadiques, des prêtres pédophiles, le regard tourné dans la direction opposée à ces pensionnats canadiens pour ne pas voir cette triste vérité de l'âme humaine et ces cimetières improvisés. Exterminer l'âme indienne, tuer l'indien dans l'enfant. Lui faire oublier sa culture, sa religion, ses origines. « Kill The Indian in The Child ».


Après cette courte histoire de 12 à 122 ans, au goût de sirop d'érable et à l'amertume blanche, plume d'Élise Fontenaille, journaliste-écrivaine et qui fut attachée de presse au consul de France à Vancouver, je découvre en toute fin du livre, l'ampleur de la vérité. Le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1996, plus de 150.000 enfants y ont été déportés, brimés, torturés, 30.000 ont trouvé la mort. AU MOINS. Maintenant, les indiens pleurent, et je ne regarderai plus un corbeau sans penser à ces enfants ojibwés. 

LE CRIME D'EXISTER.

Qu'avait-il vu sur l'os d'orignal ?
Rien de bon sans doute...
Mais fallait-il encore croire à ces anciens oracles ?
Un homme venait de marcher sur la Lune pour la première fois, et nous, nous jetions au feu des os de bêtes sauvages pour y lire notre avenir...

   
« Kill The Indian in The Child », Élise Fontenaille.


Sur une masse critique, toujours de qualité,
Merci donc à Babelio et aux éditions Oskar
pour ces confiances renouvelées,
pendant que je suce la tire.


 

16 commentaires:

  1. A propos d'Ojibwé je viens de terminer Les étoiles s'éteignent à l'aube de Richard Wagamese, disparu au printemps dernier, lui-même Ojibwé de l'Ontario, un très bon bouquin dont je dirai quelques mots prochainement. Neil et Crazy Horse ça fait toujours du bien. Les pensionnats ont eu de beaux jours partout dans le monde...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les étoiles s'éteignent à l'aube de Richard Wagamese = GROS coup de coeur!

      Supprimer
    2. Je n'en ai entendu que du bien des étoiles de Richard Wagamase, l'Ojibwé. Je lirai avec attention tes prochains mots, un air du Crazy Horse dans la tête...

      Supprimer
  2. J'attends impatiemment qu'il arrive par ici...
    En passant, ta tire n'est pas très ragoutante! Tu aimes le goût?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est de la tire pour parisiens sur un marché de Noël, histoire d'attraper le touriste. Pas dans les règles de l'art, y'avait pas de neige en plus. Mais j'ai aimé cette expérience...

      Supprimer
  3. Je l'ai adoré celui-ci. Terrible...

    RépondreSupprimer
  4. Je connais votre blog depuis peu. On y découvre vraiment des trésors. Merci

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci bien, il va falloir que je me penche sur ces "Back to the roots" prometteurs...

      Supprimer
  5. Une histoire terrible, inhumaine, barbare... un livre à découvrir pour ne pas oublier toutes ces vies emportées...
    Paroles de suceuse de tire, une tuerie c'te truc non? :D

    RépondreSupprimer
  6. merci pour cette critique, Bison ! Elise F.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Un honneur que vous ayez pris le train jusqu'ici et que vous vous soyez arrêté, gare des larmes, pour me lire.
      Merci de votre passage et pour la force de votre livre.

      Supprimer
  7. Super critique Bison ..du même tabac je te conseille aussi Jeu blanc de Richard wagamese. Un ojibwé lui aussi.Et une autre victime de ces pensionnats infernaux...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Un auteur qui me tente effectivement beaucoup, vu les nombreuses critiques élogieuses que j'ai pu lire de Richard Wagamese...
      Merci du conseil...

      Supprimer
    2. D'ailleurs, je l'avais déjà mis dans mon pense-bête suite à ta récente critique ;-)

      Supprimer