Un
jour d'automne ou de printemps, peu importe la saison, le temps
défile, la vie reste une putain de tranche de temps qui s'écoule ou
pas, je déambule dans le village. Le café de quartier que j'ai
toujours vu s'est transformé en maison d'habitation. Où est-ce que
les gens prennent-ils leur bière maintenant en sortant du boulot, ou
le dimanche matin avant d'aller à la messe à l'église
Saint-Martin ? Les cloches sonnent, quelle heure peut-il être,
on en revient toujours au temps. Sous la place de l'église, je
découvre le mystère du temps, un espace dédié à perdre son temps
ou justement à vivre en dehors du temps : une nouvelle boite à
livre. Il me faudrait un parasol et une bière pour flirter avec le
temps et ma nouvelle découverte. Mais le café a fermé il y a des
années. A la place, je ne trouve que de la poussière, poussière de
ma vie qui s'envole au milieu de cette place sans café, sans hommes,
sans jupes qui virevoltent.
« Notre fonction est la reproduction ; nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire : tout a été fait pour nous éliminer de ces catégories. Rien en nous ne doit séduire, aucune latitude n'est autorisée pour que fleurissent des désirs secrets, nulle faveur particulière ne doit être extorquée par des cajoleries, ni de part ni d'autre ; l'amour ne doit trouver aucun prise. Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c'est tout : vases sacrés, calices ambulants. »
Que
j'adore la découverte de ces boites à livres, où je peux regarder
et fureter ce que les gens, les vrais pas les pauvres types comme moi
ou les bisons solitaires d'une plaine poussiéreuse, ont lu et
veulent faire partager ou se débarrasser. Aujourd'hui, je découvre
une vieille édition « J'ai Lu », classée dans le
domaine S-F. Mon dieu, combien d'années n'ai-je pas lu de romans de
science-fiction. D'ailleurs, je n'en lis jamais ou presque. Je
pourrais les compter sur les orteils de mes sabots. Je ne suis pas un
spécialiste du genre, même pas un ignare, pire que ça. Le pauvre
type. Mais pour une foi, je connais. Une série que je n'ai pas vu a
remis au goût du jour ce texte qui date pour la version originale de
1985, une vieille dame canadienne que je ne connais pas encore l'a
écrit comme pour décrire le monde dans lequel nous pourrions
bientôt vivre. Quarante ans après, ce roman n’apparaît plus
vraiment comme de la science-fiction, ni de la dystopie mais comme
une réalité potentielle suivant les options choisies pour nous
gouverner.
Je
n'ai pas l'intention d'en dire plus sur Defred et son costume
écarlate, sur les anges de la réalité ou de la fiction dystopique.
Simplement, parce que si tu n'as pas lu le livre, tu as vu la série,
si tu n'as pas vu la série, tu as lu le livre, si tu n'as ni lu le
livre ni vu la série, tu vas te précipiter sur la boite à livre
dans laquelle je déposerai cette vieille édition de la vieille
Margaret Atwood – comme tous les livres que je récupère dans des
boites à livre. Et en attendant l'accomplissement de la femme ou le
fanatisme de ce monde, je finis les dernières gouttes de ma
bouteille de Crown Royal.
« La nuit m'appartient, c'est mon temps à moi, je peux en faire ce que je veux, pourvu que je reste tranquille. Pourvu que je ne bouge pas. Pourvu que je reste couchée immobile. La différence entre coucher et se coucher. Se coucher est toujours pronominal. Même les hommes disaient j'ai envie de me coucher et pourtant ils disaient partout j'ai envie de coucher avec elle. Tout ceci est spéculation pure, je ne sais pas vraiment ce que disaient les hommes. Je ne connaissais que leur parole.
Je suis donc couchée à l'intérieur de la chambre sous l’œil en plâtre du plafond, derrière les rideaux blancs, entre les draps, aussi lisse qu'eux, et je fais un pas de côté pour sortir de ce temps qui m'appartient. Sortir du temps. Pourtant c'est bien ceci le temps et je ne suis pas à l'extérieur.
Mais la nuit est mon moment de sortie. Où irai-je ? »
« La
Servante Écarlate », Margaret Atwood.
Pas spécialement fan de SF, mais j'avais noté ce livre, réédité récemment...
RépondreSupprimerFaut que je teste un jour ces "boîtes à livres" qui fleurissent près des mairies de villages ! ;-)
Mais c'est pour cette raison que la réédition ne fait plus mention de SF. Parce que ce n'est pas vraiment de la SF.
SupprimerJe connais une belle boite à livres, juste de l'autre coté du Cher, dans un petit village qui m'a l'air bien sympathique. Tu y trouveras, peut-être, cette servante écarlate qui y a été déposée.
Ok, ça me convient parfaitement, alors !
SupprimerAh... mais tu vas te faire un tas d'amis anonymes là-bas, toi ^^
je me permets de faire une petite remarque, si vous ne lisez pas ce livre parce que vous pensez que c'est de la SF, vous vous trompez! Margaret Atwood insiste sur ce point: "Je me suis fixé une règle : le roman ne devait contenir que des élément qui ont réelle existé à un moment donné de l’Histoire. J’ai donc entrepris énormément de recherches. J’ai voulu mettre en place cette règle pour que personne ne puisse dire que j’avais l’esprit tordu et que j’avais inventé toutes ces horreurs. Je n’ai rien inventé." (...).
Supprimeret comme je ne lis pas de SF, tout est donc authentique comme le Crown Royale dont ça fait une éternité que je n'ai pas bu. Depuis les dernières gouttes de ce roman, probablement...
SupprimerOn en fait de belles trouvailles dans les boites à livres, j'adore !
RépondreSupprimermouais... moi, j'attends surtout l'instauration des boites à bouteilles !!
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