mercredi 9 janvier 2019

Boulevard Giscard d'Estaing

« Après ma cinquième bière, je me sens ragaillardi. A la neuvième, rassasié comme un poulet grillé et pimenté servi dans du papier journal puis d'une sole braisée dépiautée de mes mains, ça va mieux. A la douze ou treizième, je me mets à rire quand une averse soudaine nous chicote tous et qu'on se retrouve serrés sous un auvent.
A la je ne sais plus combientième, je me trouve en discussion avec une serveuse en short. Elle s'appelle Pascaline et ses seins débordent de partout. Son nombril et ses hanches ne sont pas mal non plus.
A trois heures et demie du matin, après avoir bu et rebu, Silué siffle la fin de la récréation et décide de me rapatrier en Zone 4. »

Zone 4. Un nom qui évoque nostalgie et décadence à tous les amoureux de l'Afrique. Lieu des plaisirs nocturnes, du bruit et de la musique, des femmes – des jeunes filles – aux seins lourds et au cul bien ferme.

Zone 4. Une chaleur torride sur le dancefloor. Devant moi, des culs qui frétillent, des seins qui sautent et jonglent sous des tee-shirts mouillés de sueur et d'émoi, des sourires qui éblouissent, des jambes longues et noires luisant sous les stroboscopes... et des shorts mini mini mini.

La Zone 4, c'est un quartier d'Abidjan, bien connu des expatriés français qui s'abandonnent... Là-bas, la famille est mise entre parenthèse, oubliée même, le temps de boire chaque soir, jusqu'au bout de la nuit, des dizaines de Flag. Ô putain, ce que ce bouquin m'a donné soif d'une Flag, combien d'années n'en ai-je pas bu... Aaaahhh, cette Zone 4 se sont des souvenirs qui me reviennent en flash-back. J'étais jeune, j'avais un pompon sur la tête et je buvais des bières dans un de ces fauteuils confortables où il fait bon s'assoupir en attendant la fin de la nuit, le début du jour... Mais c'était aussi un autre temps, une époque où le couvre-feu n'existait pas encore, où les français « dérangeaient » un peu moins...

« - N'aie pas peur, petit blanc ! Je vais bien te faire l'amour. »

Zone 4 est un roman, premier roman même d'Eric Bohème – j'en profite donc pour le remercier chaleureusement de m'avoir proposé d'en faire sa chronique à ma façon – qui m'a fait un bien fou. Cela pourrait être un roman glauque et qui dérange. Mais non. Il dérange certes, avec ces expat' grisonnant qui baisent des filles du même âge que les leurs... mais il est aussi mélancolie et tendresse. Très réaliste de la situation, l'auteur connaît son affaire, partageant sa vie entre la France et la Côte d'Ivoire – il est notamment membre de l'AECI (Association des Écrivains de Côte d'Ivoire). Entre coups d'état et coup d'éclats, moment de bohème et de luxure, beauté noire et bière rafraîchissante, je perçois la sensualité chaude de ces sorties nocturnes, j'aime cette sueur aigre qui coule entre les seins, j'écarte ces cuisses qui s'ouvrent uniquement pour mon plaisir lubrique de petit blanc, le sexe épilé qui brille presque dans la pénombre de cette chambre d’hôtel. Plaisir avoué et inavouable.

« Alors, au moment où nous ne sommes plus chiens et pas encore loups, nous humons l’odeur de l'autre monde. Celui qui s'éveille au vrombissement des grosses voitures dans lesquelles on s'engouffre, des sonos à fond, des rires à n'en plus finir, du bruit des glaçons qui s'entrechoquent dans les verres. Celui où les serveuses deviennent biches, les barmaids panthères, les hôtesses girafes. Celui où toutes les femmes sont belles et où tous les laids sont drôles. Le monde des regards complices échangés au travers des bouteilles qui scintillent, celui des billets CFA qui filent si vite sans qu'on en ait peine. Monde, enfin, des filles aux dents étincelantes, aux œillades assassines, aux roulés de hanches torrides, aux frôlements faussement innocents et aux caresses incandescentes. »

Zone 4, c'est mon Afrique, mon Abidjan, mon plaisir, mon abandon, ma soif...

« Zone 4 », Eric Bohème.


7 commentaires:

  1. Avec une couverture pareille, il était fait pour toi ce livre !! ;)

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    1. Elle est top cette couverture !! Elle montre juste ce qu'il faut, point trop pour laisser place au suspense et à l'imagination :-)

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    2. J’ai pensé la même chose rien qu’en regardant la couverture !
      :D
      Homme faible ! ;-)
      Rooohhh ca va je sors ! Mdr

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  2. Je me souviens d'une réplique exemplaire de Depardieu dans Fort Saganne à qui on proposait de très jeunes filles pour assouvir le repos du guerrier en plein Sahara :
    "Je ne suis pas ici pour passer mes nerfs sur des petites filles".
    Alors non, des blancs libidineux face aux hanches torrides... non.

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  3. Je viens d'aller lire sur cet écrivain, tu avais piqué ma curiosité... voilà un homme qui connaît son sujet, et de près. L'Afrique m'a toujours passionnée. À travers son regard j'aimerais le découvrir un jour.
    Ce livre-ci ou un autre. Car les livres qui allient la mélancolie et la tendresse à l'authencité des lieux, j'aime ça. Autant qu'une frette quand y fait frette, c'est pas plate pantoute... :D

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    1. un livre pas plate tantoute. Malgré son sujet, j'ai adoré... Et même par 20° la nuit, il arrive de faire frette... c'est la magie des lieux...

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