
Un banc sous un arbre, quelques pigeons s’y sont abandonnés. Une note de silence, la musique de ma vie. Je m’assois. Quelques oiseaux fredonnent leurs ébats envolés. Seul. Mon regard se pose sur cette grande bâtisse qui se dresse devant moi, à l’ombre du soleil. D’un autre âge, austère malgré son nom fleuri, j’ai la triste impression de me retrouver face à une prison sans barreaux. Les Primevères, HP. Ignition.
« Je refusais de manger. Ils ont fini par me poser une sonde afin de m’alimenter. Chaque soir, avant d’aller me coucher, un infirmier fait rentrer le tube par mes narines. Deux poches de liquide opaque me nourrissent. Le tube remplit mon estomac. Je ne connais pas son goût, j’imagine un lait concentré chimique saveur protéines, glucides, lipides, vitamines. Vers quatre heures du matin, un infirmier vient me changer les poches. Deux litres par nuit. Gavée, comme une oie. J’attends l’abattoir. Mon corps rejette le liquide, il a compris. Il goûte : oppression, soumission, détention, gavage, remplissage. Il dégoûte. »